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Destin de Tristram Shandy

TristramDécès la semaine dernière de Guy Jouvet, un traducteur "minutieux" (le terme est donné dans LeMonde) qui avait proposé en 2004 aux Editions Tristram une remarquable traduction du Tristram Shandy de Laurence Sterne. Monstre littéraire que ce livre publié en 1760, un classique anglo-saxon qui résonne à l'égal de ceux de Rabelais, Cervantès et d'autres. Jusque-là, les traductions étaient anciennes, datées et plus ou moins médiocres; ce fut une véritable résurrection au début des années 2000 que cette traduction en français qui redonnait vie chez nous à cet immense livre. Évidemment dans les années suivantes, les éditeurs de poche traditionnels voyant la manne, Folio, Garnier-Flammarion, se sont empressés de relancer le dépoussiérage, le toilettage des anciennes traductions. Sans y arriver bien sûr au mollet, tout juste au dessus de la cheville.

Chez Tristram, ce pavé de 950 pages, bien couteux à maintenir en grand format au catalogue, il a été décidé quelques années plus tard d'en proposer une version poche. Ce rouleau compresseur du poche, l'invisibilité pour les petits éditeurs dans ce format, l'aventure a tourné court comme tant d'autres. Voilà, la traduction du Tristram Shandy de Guy Jouvet est indisponible depuis des années. Les traductions des autres livres de Laurence Sterne par Guy Jouvet sont heureusement encore disponibles chez l'éditeur, pas encore épuisés. Pour le Tristram Shandy, vous le trouverez par chance dans les bibliothèques, au mieux sur le marché de l'occasion à prix fort. Le format numérique? L'éditeur n'a malheureusement jamais daigné proposer quoi que ce soit dans son catalogue à ce format. Vous trouverez heureusement sur les réseaux une version en page qui respecte la mise en page, indispensable pour ce livre. Bien pratique pour "l'emporter sous son bras à la campagne", comme l'écrit Sterne dans sa dédicace en début de livre. En attendant une nouvelle édition imprimée, j'espère.

Alors, quel destin pour cette traduction de Guy Jouvet maintenant qu'il est décédé et qui n'aura jamais les honneurs des poches "labellisés" et autres éditions de "prestige"? Cela fait étrangement écho à toutes ces excellentes traductions qui tombent désormais dans les limbes, privées elles-aussi de formats numériques, je pense notamment à celles d'Alexandre Vialatte et de Marthe Robert pour Kafka. Sterne, Kafka, tant d'auteurs classiques qui devraient être dans nos biens communs.

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