Des propos inédits dans Livres-Hebdo à l'occasion du salon Lire en Poche qui s'est tenu à Gradignan du 4 au 6 octobre derniers. Plusieurs responsables de maisons d'édition de livre de poche se sont exprimés sur le rapport du livre de poche au livre numérique, un sujet sur lequel ils ne s'expriment en général pas trop:
Je ne suis pas inquiète face au numérique car les éditeurs de poche sont bien placés pour prendre le relais. Le poche est obligé de se réinventer en permanence, le numérique est un tournant de plus. Le marché se développe, les politiques de prix et l'exception française n'y pourront rien, car le prix des fichiers numériques est fixé par un marché. Mais le poche étant la banque de l'édition, il est compréhensible que les éditeurs aient envie de protéger leur poche comme on protège sa banque. Cela résistera un peu plus longtemps, c'est tout. Après, c'est aussi à nous, éditeurs de poche, de réfléchir à la façon dont nous pouvons devenir nous-mêmes éditeurs numériques.
Anna Pavlowitch, directrice générale de J'ai Lu
Nous avons créé une maison d'édition numérique, 12-21, dans une démarche strictement éditoriale. Chez Univers Poche, avec cinq maisons, nous avons 700 nouveautés par an, dont la moitié sont des titres inédits. Au départ, nous avons tâtonné comme tout le monde. Lorsque nous avons voulu faire de la création numérique, nous nous sommes posés la question: sous quelle marque le faire? Pocket et 10/18 ne voulaient pas publier des textes numériques qu'ils n'auraient pas en papier. Nous avons donc eu l'idée de regrouper toute l'offre, afin de pouvoir la commercialiser. Quand on parle de numérique, semble s'ouvrir une boîte de Pandore des possibilités infinies qu'offre le numérique. Mais nous sommes des éditeurs de poche, insérés dans un marché: ce n'est pas parce qu'on peut faire une édition enrichie avec des développements considérables qu'on sait la vendre. Il est très difficile aujourd'hui de valoriser la création. Aux Etats-Unis, le numérique a été fatal au poche mais le secteur se portait déjà très mal avant. En France, nous ne sommes pas du tout dans ce contexte-là. Et les Etats-Unis, contrairement à la France, s'intéressent très peu au fonds, ils privillégient la nouveauté et laissent les clés du fonds à Amazon. Cela dit, nous restons des éditeurs, nous ne sommes pas la BNF et notre activité n'est pas patrimoniale: il faut que le fonds vive. Par exemple, a-t-on aujourd'hui envie de rééditer en numérique le fonds du Fleuve noir des années 1950? Et comment le vendrait-on?
François Laurent, directeur général adjoint d'Univers Poche
Nous sortons les titres numériques sous la marque Folio lorsqu'ils sont disponibles en poche au format papier car c'est la même ligne éditoriale, le même travail éditorial. Il y a des synergies entre le papier et le numérique, une réflexion sur le fonds, sur le marketing pour assurer, par exemple, une présence sur les lieux de vente d'une offre à la fois papier et numérique. Pensons aussi aux offres couplées qui vont se développer dans les années à venir. Le numérique aide aussi à vendre le papier, car il permet de monter en termes de référencement dans la plupart des sites marchands.
Louis Chevallier, responsable de la littérature chez Folio (Gallimard)