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112 notes en mars 2012

JetBook Color : dur d'être pionnier

EinkDéception du côté de TheDigitalReader à propos du nouveau JetBook Color, l'un des premiers livres électroniques embarquant l'écran Triton de chez eInk. Pas de wifi, pas de navigateur, mais aussi déception concernant le fond gris de l'écran et le raffraichissement très lent des pages. Lire également un compte-rendu très complet du côté de Mobileread, plus positif celui-là. Ne pas oublier que nous sommes maintenant habitués à un standard de qualité, les premiers modèles chez Irex, Sony en 2006 étaient très gris et lents eux-aussi. La tâche est toujours dure pour les pionniers.


Le lecteur américain, il lit quoi?

Kindle-ebooksDeux documents intéressants présentés lors du récent Tool of Change ont été mis en ligne. Le premier, une étude du BISG (Book Industry Study Group) sur les habitudes de consommation aux Etats-Unis. Des graphiques intéressants qui montrent l'écart très important entre le secteur de la fiction et celui des livres illustrés. Même constat du côté de Kobo qui continue à communiquer sur ses ventes. On peut saluer cet effort de transparence. Le powerpoint de la présentation du CEO, Michael Tamblyn, ici. Les tablettes n'ont visiblement pas encore conquis complètement les lecteurs américains. Il est encore trop tôt pour savoir si le Kindle Fire inversera cette tendance. A lire l'analyse de Hubert Guillaud sur la Feuille qui pointe sur la concurrence de contenus semblables déjà disponibles sur le web. Le prochain Salon du Livre sera sans doute l'occasion de découvrir d'autres études sur le marché français et européen.


Lab Hadopi : le livre numérique en question

HadopiUn Lab Hadopi aujourd'hui consacré au livre numérique. Après la musique et le cinéma, le livre fait son Lab à la Maison de la Chimie, histoire de voir ce qu'on met sur la paillasse, c'est entre 18h et 21h:

«Offres, terminaux et chaînes de valeur: quelles perspectives pour le livre numérique?». J'aurais le plaisir d'animer le débat avec plusieurs intervenants. Je remercie les organisateurs. Non, je ne suis pas "vendu" à la cause, à signaler pour que je ne prenne pas des coups supplémentaires que je participerais à ce Lab de manière tout à fait bénévole. Tous les détails et l'inscription ici, le déroulé de la table-ronde ici. Dispo aussi pour échanger avec vous à la suite de la réunion.


Google Play : tout en magasin

Le bruit a circulé un moment que Google Play serait une tablette. Nenni. L'Android Market devient Google Play, histoire de rappeler qui est le chef et contrôle les rayons:

"Aux Etats-Unis le changement est déjà bien plus conséquent puisque Google Play ne se contente pas d'être le nouveau nom du marché d'application: il désigne l'unification pure et simple de la plupart des services de contenus de Google. On y trouve donc Google Music, Google Books, Google Movies et les apps Android réunis au même endroit. Forcément, le choix est plus vaste aux USA où tous ses services sont déjà largement disponibles" (via Clubic).


Y a un nouvel iPad?

LogoApple a annoncé la semaine dernière lors de la grand-messe habituelle son nouvel iPad; tout le monde attendait un iPad3, non, c'est le nouvel iPad. Comme d'habitude tout est "amazing". Rien trop de nouveau sous le soleil d'Apple avec un écran Rétina "résolutionnaire" à la définition plus importante. On en fait beaucoup, qualité des images en hausse, rien trop de changé côté lecture. Apple déroule. On attendait aussi beaucoup le prix de l'iPad2 qui ne baissera que de 80€ au prix de 409€, une misère. On ne connait pas la crise chez Apple, pas de concurrence frontale avec les tablettes low-cost. Apple déroule. Voir le site Apple, plus de détails sur le spécialiste iPadd, lire également le comparatif avec la concurrence sur TabletteTactile.


Immersion chez les autonomes - n°51

MagritteChronique de notre ami Thierry:

"Black Block" de Elsa Marpeau, aux Editions Gallimard.
"L'Etat n'aime pas la littérature. Et la littérature lui rend bien."
"Black Block" est le deuxième roman d'Elsa Marpeau. Avec "Les yeux des morts" elle avait obtenu le Prix Nouvel Obs du roman noir 2011.
Petit rappel pour ceux qui viennent d'arriver. Un black bloc est "un regroupement éphémère d'individus au cours d'une manifestation, dans le but de mettre en place des actions violentes contre tout ce qui est perçu comme symbole matériel du capitalisme.

MarpeauLes Black Blocs sont des structures informelles et décentralisées, sans appartenances formelles ni hiérarchies. Ils sont constitués principalement d'activistes des mouvances libertaires." Là je cite copieusement Wikipédia.
Swann et Samuel forment un jeune couple "pacsé" de deux ans d'âge.
Elle est laborantine. Il est professeur de sociologie. Jusque là tout va bien.
Oui mais voilà, vous lisez un polar. Et un jour, une page, Swann découvre Samuel mort dans leur nid d'amour. Une balle dans le ventre. "Elle enfonce tout doucement son doigt dans le trou. C'est humide et chaud. Elle le ressort sanglant. Elle ne sait pas où le poser pour éviter de se salir ou de salir la moquette. Elle le lèche pour que la trace ne s'étende pas."
L'enquête commence. Et c'est la SDAT, Section antiterroriste qui prend les rênes. Swann va alors se mettre en tête de retrouver le coupable. Au fur et à mesure de sa recherche elle va découvrir un autre Samuel, un Samuel inconnu qui menait une double vie.
Celle des anarchistes autonomes qui vivent dans un squat en attendant le Grand Soir. Enfants légitimes d'Action Directe, des Brigades Rouges ou de la Fraction Armée Rouge. Un petit monde qui lit Jacques Derrida, Nietzsche ou Kropotkine. "Le traumatisme reste traumatisant et incurable parce qu'il vient de l'avenir." Aux écoutes, les oreilles de l'Etat: le Commandant Anton Legal et le Capitaine Bouveresse. Ce polar fait une allusion non dissimulée à la fameuse (fumeuse) affaire Tarnac-Coupat, ce jeune accusé de sabotage qui déclare que "l'antiterrorisme est la forme moderne du procès en sorcellerie".
Un livre qui se lit vite, vite, en accéléré, au rythme des phrases courtes et incisives de l'auteur. Ni plus... ni moins.
Lu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

Logo CLN


Pika Editons : le manga numérique arrive

PikaL'éditeur de mangas Pika Editions va profiter du Salon du Livre pour démarrer une offre numérique. Près de 50 titres au format numérique seront accessibles dès le premier mois, puis une dizaine seront mis en vente mensuellement, soit plus d’une centaine de titres d’ici fin 2012. La plupart des titres seront proposés à 4,49€, soit une diminution de 36% du prix de vente de la version imprimée. On rappellera que le manga fait l'objet d'un piratage très important sur les réseaux (via ToutenBD).


Sophie's Lovers : librairie philosophique

Sophies_logoA signaler une initiative intéressante, c'est Sophie's Lovers, une librairie exclusivement consacrée à la philosophie. Conçu par Jean-Michel Henny qui s'est appuyé sur deux partenaires que sont la Librairie philosophique Vrin, bien connue dans le Quartier Latin, et GiantChair. Déjà une offre numérique de plus de 900 titres proposés au format numérique avec des éditeurs comme La Découverte, Quae, Presses Universitaires du Québec, Eyrolles, Maxima, Septentrion, L'Eclat, etc. A signaler que cette librairie a fait le choix de diffuser exclusivement des livres sans DRM. Un pari courageux qui ressemble bien à un choix philosophique, est-que que la philosophie peut être envisagé sans liberté? A méditer chez certains.


Moebius est parti

ArzachUne pensée pour un immense artiste qui nous a quitté hier, Jean Henri Gaston Giraud (alias Moebius), l'un des plus grand dessinateur de notre temps, l'égal de Gustave Doré assurément. Des livres pleins ma bibliothèque -gamin, j'en avais même barbotté un au Salon du Livre-; un autre Major Fatal, paru aux Humanoïdes Associés, mon préféré entre tous. J'avais eu l'occasion de visiter l'exceptionnelle exposition à la Fondation Cartier en 2010 (clin d'oeil à Hubert). Lire les billets d'Etienne Mineur et Graphism.


La République des Lettres : modification des métadonnées

La République des Lettres a modifié le descriptif des publications numériques mises en vente chez le distributeur Immatériel avec deux éléments importants: l'indication du "nombre de pages: 8" et la mention "Article biographique". Je me félicite de cette décision qui informe clairement le consommateur. Compliments à l'éditeur, à titre personnel bien des messages violents auraient pu être évités.

Rep


Blog suspendu

Bâillonné pour bâillonné, j'ai décidé de suspendre l'activité du blog jusqu'à nouvel ordre. Je me pose beaucoup de questions. Deux billets supprimés sur plus de 4000 mais qui vont laisser des traces. Je retiens particulièrement la remarque d'Hubert Guillaud cet après-midi, qui pointait sur l'absence d'espace critique sur le livre numérique.

En attendant rideau, je vous demande de ne pas m'envoyer vos communiqués de presse d'ici là. Merci pour votre compréhension. Je reprendrais peut-être après le Salon du Livre, le battage médiatique, nous verrons bien si l'énergie revient...

PS: Très touché par les très nombreux témoignages de sympathie en commentaires, mais aussi sur facebook, twitter, mail, téléphone, rencontres, etc. Je vous remercie tous.

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La République des Lettres: retrait des billets

Suite à l'injonction du responsable du site "La République des Lettres" qui me menace des Tribunaux avec un dédommagement de 50.000€ pour préjudice sur la marque et après une discussion avec mon avocat, j'ai décidé de supprimer les deux billets "La République des Lettres: une ... numérique" et "Immatériel: 7000 signes, c'est un livre".

Ma liberté d'expression recule, mais je suis convaincu que le combat sera repris sur d'autres terrains. Je sais que la réflexion est déjà engagée chez certains.

Merci à tous ceux qui ont relayé depuis deux jours, ainsi qu'à ceux qui m'ont envoyé des témoignages de sympathie.

PS: je coupe également les commentaires, il reste heureusement bien d'autres espaces de liberté sur le web.

 

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Kobo by Fnac : les livres au fer à gauche

Problème récurrent malheureusement sur le Kobo by Fnac dont m'ont fait part plusieurs lecteurs. Pour de nombreux titres d'éditeurs achetés directement sur le Kobo, les livres sont au fer à gauche sans possibilités de les justifier avec l'interface. Plus incompréhensible, quand ils sont achetés depuis l'ordinateur sur le site de la Fnac puis importés dans le lecteur, tout est normal. Voir mes deux photos ci-dessous, avec la même page sur le Nook à droite. Désolé pour l'éclairage intempestif à gauche mais l'on se rend bien compte quand même (cliquer pour agrandir). Bref, il vaut mieux acheter sur l'ordinateur que sur le Kobo, un bien étrange paradoxe, non?

Ce qui parait étrange aussi, c'est que les livres achetés sur le Kobo sont "vérolés" définitivement, pas moyen de retrouver la justification, bref c'est le "fer à gauche" sinon rien. Un lecture exécrable. Kobo tripatouille bien les fichiers ePub des éditeurs, on avait eu quelques indices à la sortie, c'est confirmé. La couche Kobo, les fichiers ne sont pas identiques achetés sur ordinateur ou sur Kobo. Les lecteurs qui m'ont alertés ne sont pas très contents, on les comprend. Certains ont même rachetés les livres une deuxième fois, ils se reconnaitront.

A signaler un test complet du Kobo d'ici le Salon du Livre, ainsi que du Sony PRS-T1, pardon pour le retard mais cela valait le coup d'attendre.

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Mercredi, la copie on lui fait sa Fête

Copyparty_mPetite piqure de rappel, la Fête à la Copie, c'est mercredi, après-demain à la Roche-sur-Yon. En toute légalité, bien entendu. Des charters de toute l'Europe pour ce premier événement mondial, Copy Party!

"La législation a tendance à se crisper actuellement face aux nouveaux usages permis par les réseaux. Mais elle a ses petites failles dans lesquelles se sont joyeusement engouffrés une bande de joyeux mais sérieux drilles qui ont bien voulu répondre à quelques questions". La suite à lire sur Framablog.


La publication à la demande s'invite

PetitéditeurJe surveillais le démarrage du phénomène, c'était acté avec l'arrivée du Kindle en France, c'est désormais fait. A signaler l'entrée sur les plateformes depuis quelques semaines de livres numériques issus d'une société qui propose des livres en publication à la demande, c'est Mon Petit Editeur. L'auteur doit se charger lui-même de la composition de son livre, 20 exemplaires imprimés à la clé, distribution exclusive, rachats des livres pour en sortir. Pas de contrat d'édition mais un contrat de publication que l'on retrouve ici.

"Les frais relatifs à l’édition de l’ouvrage sont entièrement couverts par Mon Petit Éditeur. Cependant certaines options complémentaires payantes peuvent être proposées à l’auteur par Mon Petit Éditeur. Le prix de ces options sera fixé préalablement à la signature du présent contrat par Mon Petit Éditeur."

Ambiguité habituelle entre édition et publication. D'autres sites pourraient vite venir alimenter la pompe, Société des Ecrivains, Publibook, TheBookEdition, Lulu, YouScribe, la liste serait très longue. Des dizaines de milliers de titres en perspective.

Près de 200 titres sont pour l'instant proposés en numérique au travers du distributeur Immatériel, à retrouver chez tous vos libraires habituels. A suivre...


Net.Lang chez C&F Editions

NetlangA signaler la parution de Net.lang, Réussir le cyberespace multilingue.

Ce guide pédagogique, politique et pratique permet d'appréhender et de comprendre les principaux enjeux du multilinguisme dans le cyberespace. Le multilinguisme est la nouvelle frontière du réseau numérique. Ce livre veut en montrer les enjeux, mais aussi proposer des pistes pour une présence équitable des langues dans la société de l'information.

Les versions numériques PDF et ePub sont proposées gratuitement. La version imprimée est disponible chez C&F Editions, qui seront présents au prochain Salon du Livre. Merci à Lionel et Olivier sur twitter.


Un chef d’oeuvre oublié - n°50

MagritteChronique de Thierry qui nous parle aujoud'hui d'un livre qui lui tient particulièrement à coeur.

Oui, j’insiste, il faut lire «Le Sang noir» de Louis Guilloux sous peine, sous peine de, j’sais pas moi, sous peine d’ignorance de la nature humaine tiens. Pour 8,49€ en epub, ça ne vaut pas la peine de s’en priver!
«J’admire et j’aime l’oeuvre de Louis Guilloux, qui ne flatte ni ne méprise le peuple dont il parle et qui lui restitue la seule grandeur qu’on ne puisse lui arracher, celle de la vérité.» Albert Camus.
    Cher lecteur, installez-vous bien inconfortablement dans ce chef d’oeuvre oublié de la littérature française que Jorge Semprun considérait comme l’un des plus grands romans du XXe siècle.


GuillouxPlantons le décor. Sur scène, devant nous, tout près de nous, avec nous, à les toucher, à les sentir, à les écouter parler, crier, chuchoter et penser, des personnages uniques en leurs genres et pourtant si universels. Tous plus réalistes les uns que les autres. Guilloux se méfie de l’imagination comme de son ombre, comme de sa lumière. Il montre, il décrit. Il ne juge pas, il ne commente pas, il n’explique pas.
    En coulisse, très loin, l’odeur de la boucherie des tranchées, le grognement ignoble des gueules cassées, le vacarme de la révolution russe, les cris des poilus mutins aussitôt fusillés.
Parfois le rideau frémit, une bise d’espoir, une brise de désespoir, le rideau se soulève et l’on voit tout: horrible!
    Nous sommes en 1917 dans une ville de province qui pourrait être Saint-Brieuc, ville natale de Guilloux, qui veut, sans la nommer, nous parler d’elle. Ici l’avant c’est l’arrière.
Ce roman «qui offre de quoi perdre pied» (André Gide) transpire, respire à pleines pages Balzac, Céline, Nietzsche, Ibsen, Dostoïevski. Tout ça? Ben oui tout ça! «L’homme révolté» de Camus nous tend la main tout au long des pages. Mais ce roman bouleversant rit aussi à plein poumons comme une comédie de boulevard. Une vraie Comédie Humaine mon cher Honoré! Chacun y joue son rôle. «Ce qu’il y avait d’intolérable, c’est que c’était toujours l’épicier qui était l’épicier, l’avocat, l’avocat, que M.Poincaré parlait toujours comme M.Poincaré, jamais, par exemple, comme Apollinaire et réciproquement..."
    Son «anti-héros» Merlin est professeur de philosophie (professeur de désordre) au lycée. A un an de la retraite. Ses élèves et les gens du village le surnomment Cripure car cet homme a mauvaise réputation. Cripure comme «Critique de la raison pure» (ou Cripure de la raison tique selon ses élèves) de Kant que ce professeur un peu loufoque aime tant commenter à ses élèves. Cripure donc a eu son heure d’importance à Paris: une thèse sur Tournier un philosophe (thèse jugée trop fantaisiste et refusée) et une étude sur la pensée médique. Il sait philosopher: «On vit comme si on avait une vie pour apprendre.» Imparable! Cripure est handicapé physique atteint d’une difformité si voyante.
    Cripure le voilà et malgré ce portrait saisissant nous le prendrons en amitié. «Son petit chapeau de toile rabattu sur l’oeil, sa peau de bique flottante, sa canne tenue comme une épée, et cet effort si pénible à chaque pas pour arracher comme d’une boue gluante ses longs pieds de gugusse, Cripure avait l’air dans la rue d’un somnolent danseur de corde. Sa myopie accusait le côté ahuri de son visage, donnait à ses gestes un caractère ralenti, vacillant, d’ivrogne ou de joueur à colin-maillard.»
    Louis Aragon disait de Cripure qu’il était «nécessaire à la pleine compréhension de l’homme d’aujourd’hui, une arme pour l’homme de demain contre l’homme d’hier.» Cripure fait bande à part dans le village. Il rejette le lache patriotisme des planqués de la grande guerre (officiers, ministres), il crache sur Dieu, l’argent et l’armée (depuis l’affaire Dreyfus). Mais il sait déjà que la révolution qui se prépare à l’est ne sera pas pour lui. Trop tard.
    Cripure aura tout raté: sa carrière d’écrivain, ses amours... le Paradis artificiel sur Terre comme au Ciel! Il restera donc le bouc émissaire (à la peau de bique!) des «bien pensant» et des nantis. Ce Cripure c’est le portrait tout craché de Georges Palante le professeur de philosophie de Louis Guilloux lycéen à Saint-Brieuc. Palante, l’athée social, vénéré par Michel Onfray qui lui consacra son premier livre et adulé par Albert Camus, est le philosophe de l’aristocratisme individuel, l’auteur de «Combat pour l’individu» ou «La sensibilité individualiste». Palante était atteint d’acromégalie, une maladie dégénérative. Sa thèse avait été refusée. Tiens, tiens!
    Mais dans ce roman il y a aussi Maïa la phénoménale compagne illettrée de Cripure, ses chiens à puces, son bureau poussiéreux bourré à craquer de livres, l’odieux Nabucet, le doux farfelu Moka, Faurel le député et son fils déserteur, Babinot le patriote ridicule, Kaminski le cynique et suffisant officier, Mme de Villaplane l’aristocrate déchue, Monfort l’étudiant poète-révolutionnaire, Glâtre le collectionneur d’images des catalogues de modes, la belle Toinette et son officier blond et beaucoup d’autres illustres copies conformes, informes, difformes à la nature humaine. De l’hypocrisie donsidérée comme un des beaux arts!
    Simplement, avec pudeur et générosité, Guilloux sait révéler le Bien et le Mal qui déchirent les couples, empoisonnent les familles, attisent les luttes de classe, provoquent les guerres. A la vie, à la mort!
    Cher lecteur, n’ayez pas peur des 600 pages. Elles se lisent à la mesure des courts chapitres (comme autant de nouvelles) qui rythment la lecture. Je vous le dis pompeusement, je pourrais écrire une thèse sur ce livre... Bon, pas sûr qu’elle soit acceptée par un académique jury bien pensant... «Ne vient de nous-mêmes que ce que nous tirons de l’obscurité qui est en nous, et que ne connaissent pas les autres.» Marcel Proust.
    Le sang obscur comme le sang noir de ceux qui n’ont plus que l’apparence de la vie...

Louis Guilloux (1899-1980) est un auteur trop méconnu. Ami de Camus et de Malraux, admirateur de Conrad, son nom est associé au Prix Louis Guilloux décerné chaque année à une œuvre de langue française ayant une «dimension humaine d'une pensée généreuse, refusant tout manichéisme, tout sacrifice de l'individu au profit d'abstractions idéologiques».

Lu et relu dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

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