281 notes dans la catégorie "Livres"

Read/ Write Book, premier chantier

Premiere-et-quatrieme-de-couv31-200x300 Terminé ce week-end le livre Read/Write Book que vient de publier le Cléo (LeCentrePourl'EditionElectroniqueOuverte). Personnellement, j'avais déjà lu une très grande partie des articles qui avaient déjà fait l'objet de publication sur différents sites. C'est surtout une compilation qui donnera des pistes de réflexion. Les partisans de la lecture en réseaux et connectés y trouveront du grain à moudre. Ceux qui considèrent aussi les livres comme ayant un avenir "non connecté" sur internet (cela a d'ailleurs été mon cas pour lire cet ouvrage durant quelques heures dans mon train) en sortiront plus circonspects. Pratique du web et lectures de livres ont tendance à se confondre.  On en vient même à penser, en refermant l'ouvrage, mais comment cela se fait-il  donc qu'il reste encore des livres à l'heure d'aujourd'hui... J'ai beaucoup aimé les articles traitant de l'édition scientifique et de la pratique des blogs qui se trouvent en fin d'ouvrage. Ils ont le mérite de bien resituer le débat dans un champ de l'édition scientifique qui, effectivement, est en train de changer considérablement depuis quelques années. Pour moi ces articles devraient ouvrir le livre car ils sont au coeur d'un Read/Write Book, livre inscriptible/réinscriptible à l'infini, l'un des futurs du livre mais qui ne me semble pas être le seul à explorer. Je rejoins assez l'analyse de Jean-Michel Salaun:

100_7457 "Ceci en fait un objet utile mais un peu étrange. On ne sait plus très bien où commence et finit le livre et où commence et finit le portail. Mais c'est sans doute le but du jeu. Et il faut attendre la fin de l'expérience pour en tirer toutes les leçons. En fait cela ressemble plus aux recueils de lectures imposées que l'on trouve couramment dans les cours en Amérique du nord, autrefois réunis à la bibliothèque aujourd'hui de plus en plus souvent sur le site dédié au cours. Et en ce sens cela peut-être un objet pédagogique tout-à-fait adapté à l'université. Je suis moins convaincu par la mise en abîme entre le contenu (sur le livre numérique) et la forme (livre numérique). À l'évidence les initiateurs veulent prouver leur thèse, ou approfondir leur analyse, par l'action. J'ai peur que cela conduise à des biais. Les experts du web aiment trop se regarder travailler à mon avis et du coup manquent souvent de recul.. On est souvent le moins bon analyste de sa propre pratique. Mais il ne faut pas préjuger des résultats d'une expérience originale et inédite. Peut-être qu'au contraire le bocal permettra d'intéressantes catalyses, grâce à l'apport et les synergies des stagiaires."

J'attends aussi avec impatience les suites des journées de l'Université d'Eté et leurs apports au... livre!


Le Club des Incorrigibles Optimistes : réussite numérique!

6a00d8342e8a5353ef0120a58ab080970c-120wi J'ai terminé hier le roman de Jean-Pierre Guenaccia, Le Club des Incorrigibles Optimistes, paru aux Editions Albin Michel, sur le Cybook Opus. J'ai adoré, c'est vraiment un très bon livre qui va, je l'espère, rencontrer un grand succès dans les mois qui viennent. Il le mérite amplement. J'avais déjà pointé sur les nombreuses critiques élogieuses à propos de ce livre, d'autres encore depuis le début du mois, par exemple sur le NouvelObs hier. 760 pages, même beaucoup plus dans la version numérique, un vrai bonheur, un livre dévoré en quelques jours. Amusant de l'histoire, avant de commencer ce roman, j'ai terminé un autre roman de cette rentrée littéraire dans une version papier que j'ai eu un mal de chien à finir, comme on dit, tant il me tombait des mains... Pas de souci entre support papier ou papier électronique, c'est bien des livres et du seul plaisir de lire qu'il s'agit. Nous sommes bien dans la motivation qui est au coeur de la lecture comme le rappelait très justement Thierry Baccino l'autre jour sur France-Inter.

100_7315 Quelques remarques concernant ma lecture sur le Cybook Opus. Je me suis empressé de désactiver l'accéléromètre au bout de 10mn, on ne va pas constamment changer son orientation de lecture. A la moitié du roman, j'ai également désactivé le flash de l'écran pour essayer et voir si les rémanences (effets fantômes) qui apparaissent étaient gênantes à la lecture. Je dois dire que non, j'ai terminé le roman dans ce mode en me faisant la réflexion que c'était exactement le même effet quand vous lisez un livre en papier mince, on pense à la Pléiade bien sûr. L'effet de l'encre qui passe très légèrement au verso du papier. Je me suis dit que je lisais comme dans la Pléiade! Guenaccia est déjà dans la Pléiade, incroyable, non! Bref, ce livre, en numérique, en papier, chez un libraire, dans votre bibliothèque, comme vous voudrez, lisez-le, vous ne le regretterez pas un instant!

Toute la BeQ en ePub, c'est fait

Livre8 Saluons Jean-Yves Dupuis qui vient, en quelques semaines, de mettre en ligne l'ensemble de sa Bibliothèque électronique du Québec au format ePub. Plus de 1000 livres libres de droits de très grande qualité. Vous pouvez les choisir à l'unité ou préférer les rayons en entier!
Pourquoi cette bibliothèque est une référence?
Pour deux raisons: d'abord par le soin apporté à la numérisation, à la relecture et aux corrections des textes que Jean-Yves Dupuis mène depuis janvier 1998. Près de 12 années en privilégiant la qualité à la quantité comme il le met en exergue lui-même sur le site, ce n'est pas rien. D'autre part (et c'est aussi très important quand on voit les pauvres résultats sur certains autres sites), par le respect des règles typographiques qui donnent à ces textes une légitimité par rapport à leurs formes papier que nous trouvons en librairie. Avec le papier électronique,  pourquoi devrions-nous sacrifier à ces règles ellaborées pendant des siècles et qui favorisent notre lecture? Avec la mise en ligne en ePub, c'est une nouvelle dimension qu'acquiert ces textes sur l'ensemble des lecteurs disponibles du marché et cela, pour la communauté francophone dans le monde entier. On rappelera que, dans le même périmètre, du côté de Gallica, on en est malheureusement !

Read/ Write Book, le livre

Premiere-et-quatrieme-de-couv31-200x300 "Read/Write Book. Le livre inscriptible" c'est le titre du premier ouvrage publié, sous la direction de Marin Dacos, par le Centre pour l’édition électronique ouverte avec des textes d'une quinzaine d'auteurs. "Il accompagne, sous forme expérimentale et multi-supports, l'université d’été de l’édition électronique ouverte, qui se tiendra à Marseille du 7 au 11 septembre 2009. Une première édition du livre sera diffusée en impression à la demande (via Unibook) lors de l’université d’été. Les stagiaires vont travailler sur divers formats de ce livre (Epub, TEI, Lodel, etc). Une deuxième édition sera diffusée ensuite, sous forme électronique sur Immatériel.fr et sur Feedbooks.com". Plus de détails sur le site du Cléo. Alors, le livre, base de données, flux, tout ce que vous voudrez, mais aussi un bon vieux livre! En espérant qu'il puisse avoir aussi un destin en papier dans toutes les librairies comme chez Dialogues et Archambault!
PS: A noter que l'on peut déjà télécharger une version provisoire en PDF ici. En attendant une bonne version ePub, je vous mets ici
un PDF recadré pour SonyReader ou CybookOpus. Bonne lecture!
PS: voir déjà les premières réflexions de Jean-Michel Salaun.

Le Club des Incorrigibles Optimistes : 1,21 euro d'économie

9782226193926_GRANDE Puisque l'un des meilleurs premiers romans de cette rentrée littéraire semble bien être le livre de Jean-Pierre Guenassia "Le Club des Incorrigibles Optimistes" (voir le choix des libraires), cela tombe bien, les Editions Albin Michel le propose en version numérique sur le site de la Fnac. 1,21€ d'économie pour cette version par rapport à la version papier (soit 5%). C'est bien maigre, convenons-en. Mais, au regard des 768 pages du volume, soyons aussi un incorrigible optimiste et entrons dans le club!
PS: d'autres avis favorables aussi Clarabel, LePoint, même RTL et FranceInfo..

Free, c'est gratuit

41ujse4ntsl_sl500_aa246_pikin2bottomright-1534_aa280_sh20_ou01_ Free, le nouveau livre de Chris Anderson (l'auteur rappelons de "La Longue Traine") était disponible sur le Kindle gratuitement depuis la mi-juillet (via TechCrunch) puis à 9,99€ aujourd'hui. On connait le combat de l'auteur pour la gratuité, le comble c'est qu'on ne peut pas lire cette version anglaise par chez nous. Fort de café. Monopoles en tout genres comme le rappelle judicieusement Thierry Crouzet aujourd'hui. Que la version française soit payante dans quelques temps, c'est un autre débat. Pour l'instant Free, ça veut dire gratuit et Chris Anderson milite pour cela, c'est même son fond de commerce (voir son blog). Merci Thierry qui met les deux versions PDF et ePub sur des serveurs. Le ePub est excellent sur le Cybook Opus. Bonne lecture à vous...

Livres en réseaux

Livrereseau Des questions lancées sur le site SXSW 2010 PanelPicker par Stéphanie Troeth (BookOven) :

"
Qu'est-ce qui arrivera quand tous les livres seront en ligne, réticulables et reliés à chaque auteur et chaque lecteur? Qu'adviendra t-il lorsque le livre sera libéré de mots sur le papier, non relié, à partir d'un format vieux de plus de deux mille ans? Qu'adviendra t-il de la façon dont nous lisons et comment allons nous écrire?

        1. Quels exemples avons-nous du livre "en réseau" aujourd'hui?
        2. Pourquoi le fait que les livres soient mis en réseau est quelque chose qui va se produire tôt ou tard?
        3. Cela signifiera la fin du livre papier que nous connaissons?
        4. Que peut devenir l'expérience de lecture dans l'avenir?
        5. Que pourrait apporter de plus à certains types de contenus du livre en réseau?
        6. Quelles nouvelles façons d'écrire peut-on imaginer?
        7. Est-ce que la disposition actuelle des dispositifs de lecture électronique et des logiciels est juste l'évolution d'une tendance vers des livres en réseau?
        8. Comment pourrions-nous faire face à plusieurs éditions du même livre?
        9. Comment pourrions-nous faire face à des traductions de livres?
       10. Y aura t-il encore quelque chose de magique à raconter des histoires si le contenu textuel traditionnel est renforcé par le multimédia?"

PS: voir aussi 11 principes du côté de LaFeuille. De quoi alimenter les débats lors du prochain BookCamp2.


Musée de l'imprimerie à Tours

100_7252 Si vous avez l'occasion de venir sur Tours, ne manquez surtout pas, entre deux escapades sur les bords de Loire à la découverte de Balzac ou Léonard de Vinci de venir faire une visite à Muriel Méchin, un typographe passionné qui vient d'ouvrir un petit musée de l'imprimerie. Un agréable local situé dans une petite rue discrète derrière le théâtre. C'est là que Muriel a déployé sa collection de documents et de matériels qui retrace l'aventure de l'imprimerie. Impressionnant de voir réunies autant de pièces de la part d'un amateur éclairé. Gravures, papiers imprimés par ses soins, presses, caractères mobiles... Bref, un petit inventaire des arts et techniques du Livre. Je vous conseille aussi de vous procurer son livre "La Touraine typographique" (ISBN: 2-9531385-0-4) déjà sous sa deuxième édition, qu'il a complètement édité par ses soins et qui est remarquablement bien fait. Bien plus que la typographie en Touraine, c'est, en un peu moins de deux cents pages, un panorama complet de l'histoire des techniques avec des documents bien choisis. Maquette soignée, le résultat est digne d'un bon éditeur. Voir aussi l'article que lui a consacré La Nouvelle-République avec ses coordonnées. Le succès est au rendez-vous, le bouche à oreille fonctionne, son local s'agrandit même vers l'arrière du bâtiment dans quelques semaines. Un conseil, appelez-le avant de venir tant il est souvent parti à la recherche de nouvelles trouvailles!

PS: Attention: le musée de la typographie qui se trouvait auparavant au 13 rue des Cordeliers à Tours a été dans l'obligation de déménager suite à la vente des locaux et il est situé maintenant au 13 rue Albert Thomas, à proximité immédiate de la cathédrale Saint-Gatien, en face l'extrémité est de la rue Colbert.
En un mot à environ 200 mètres de son ancien emplacement.
L'entrée est gratuite, Muriel vous propose seulement mais sans aucune obligation d'acquérir pour une très modique somme ses créations ce qui lui permet d'honorer les charges afférentes au local.
Faites-lui une visite, vous n'en ressortirez pas déçus. (24/07/2011)


François Bon lit Rabelais

100_7183 100_7184 100_7185 Nous étions quelques facquins... C'était à l'Abbaye de Fontevraud vendredi dernier. Francois Bon nous a parlé des Voyages de Rabelais et lu abondamment des passages de ses livres. Etonnant comment François s'est emparé de l'utilisation de son Sonyreader dans le cadre de lectures publiques. 100_7186 100_7187 100_7188 Rappelons que vous pouvez trouver à la fois ces lectures sur Tiers-Livre et les textes originaux de Rabelais sur Publienet. A saluer le remarquable travail sur la qualité de ces éditions.
 

Bernard Ollivier sur les bords de Loire

Aventuresenloire Je vous avez parlé de ma rencontre avec Bernard Ollivier du côté de chez François sur les bords de Loire l'année dernière. Son livre vient de sortir aux Editions Phébus. Pour démarrez la lecture, les vingt premières pages sont ici, la suite en papier. Même si les bords de Loire sont plus faciles d'accès que la route de la soie, voilà un grand voyageur qui mériterait assurément, pendant cette période de vacances, une version portative pour glisser dans son sac à dos avec Stevenson et Jack London! A rappeler qu'il y a quelques années était paru un ouvrage sur le périple photographique de Robert Doisneau. Courrez lire Bernard Ollivier et marchez avec lui sur les bords du grand fleuve!

L'Entonnoir Google

Couv_entonnoir Google sous l'éteignoir, pardon sous l'entonnoir. C'est le nouveau livre collectif consacré à cette entreprise devenue emblème de l'ère du web. Un travail auquel se sont attelés des chercheurs en Sciences de l'information et de la communication réunis dans cet ouvrage (dont l'un est ici bien évidemment). «La métaphore de l'entonnoir, comme toutes celles auxquelles on peut penser, ne peut représenter qu'une partie du Google-monde. Il s'agit pour Google de transvaser tout l'internet, les milliards de pages disponibles, dans ses centres serveurs, puis de rendre indispensable l'usage du moteur de recherche à celui qui veut retrouver une information, un document, une personne, une vidéo, une musique, voire même un extrait d'une conversation par mail ou forum. Bref, d'accéder à la vie numérique par le petit bout de l'entonnoir.» Hervé Le Crosnier (préface). [Sortie le 6 juin avec des détails sur le site de l'éditeur.]


Un nouveau Richard Powers

9782749103969_1_75 Un nouveau livre de Richard Powers "L'Ombre en fuite" est sorti la semaine dernière dans la formidable collection Lot49 (merci à Claro qui revenait sur son travail de traducteur et de directeur de collection récemment sur Télérama). Je vous avais parlé des précédents livres de Powers. Cette fois-ci, l'histoire d'un simulateur d'univers virtuels en 3D dénommé "La Caverne" qui permet de revisiter, entre quatre murs, les chefs-d'oeuvre de l'art. Je suis plongé dedans depuis la San-Jordi, je décroche pas. Quand certains parlent de "saucissonner" les livres, de les iphoniser, de les twitter, ces 400 pages-là (673 grammes pour l'instant), il faut pas! Sans modération!


La fin des journaux, livre indispensable

6a00d8342e8a5353ef0111686a4bf7970c Vous pourrez toujours passer des heures sur internet à parcourir des centaines d'articles, vous arriverez bien difficilement à approcher la qualité de l'essai de Bernard Poulet "La Fin des journaux et l'avenir de l'information" qui vient de paraître dans la collection "le débat" chez Gallimard. Preuve s'il en était que l'hypertextualité n'est pas tout et que le brillant essai d'un observateur des médias a encore des vertues inégalées dans une collection si bien nommée. En un peu plus de 200 pages, Bernard Poulet, rédacteur en chef à l'Expansion et auteur notamment du "Pouvoir du Monde" paru en 2003, nous livre un tableau le plus exhaustif possible des enjeux auxquels sont confrontés les médias de la presse. Il dresse le constat d'une industrie absolument sinistrée qui, se voyant doublement délaissée par le public et les annonceurs, ne fait plus assez de bénéfices pour rester viable et accumule les plans de rigueur et les licenciements, quand ce ne sont pas les faillites. "Il faut tordre le cou à un lieu commun qui voudrait que jamais l'apparition d'un nouveau média n'a fait disparaître ceux qui le précédait... On oublie de préciser que les grands quotidiens généralistes qui, en France, diffusaient plusieurs millions d'exemplaires au début du XXème siècle et qui comptaient de dizaines de titres en 1945, ne sont plus que quatre à atteindre péniblement les 400000 exemplaires, que les grandes radios généralistes ont vu leurs audiences divisée par deux depuis les années 1980 et que les grandes chaînes de télévision perdent chaque année des dizaine de milliers de spectateurs. Bien plus grave, l'intérêt de nos sociétés pour l'information s'érode chaque année un peu plus." Rappel historique et chiffres à l'appui, sa démonstration est sans appel et montre le champ de ruines sur lequel nous sommes actuellement. L'auteur et metteur en scène américain Richard Foreman, né en 1937, explique: "Je proviens d'une tradition de la culture occidentale où l'idéal résidait dans la complexité, la densité, et où une personnalité était forgée par une haute culture construite comme une cathédrale. Un homme ou une femme portaient en eux une interprétation personnelle et originale de l'héritage de la culture occidentale. Désormais, je constate chez tout le monde - moi y compris- le remplacement de cette densité intérieure complexe par une nouvelle personnalité qui évolue sous la pression de la surabondance d'informations et de la technologie de l'accès immédiat". Bien sûr Internet ne porte pas seul la responsabilité de ces bouleversements. Individualisme, culture du narcissisme, déliaison entre les individus, incertitudes des personnalités, culte de la vitesse, déclin des humanités et de la lecture livres, tous ces aspects ont commencé bien avant l'irruption massive des nouvelles technologies. Internet a simplement accéléré le processus, pour les êtres comme pour les choses. Plus loin, Bernard Poulet démonte le mécanisme de la machine Google "qui veut clairement se substituer à l'ensemble de l'industrie de la publicité". "Pour l'instant Internet est un Far West : des meutes de cow-boys font avancer leurs charriots à toute allure pour conquérir le maximum de territoires, en l'occurrence l'audience et les services. Ils plantent les poteaux qui délimitent leurs nouvelles possessions sans trop se soucier des règles et des habitudes, pour ne pas dire de la loi. La plupart d'entre eux s'accommodent très bien, en dépit de leurs protestations de vertu, de la présence des hors-la-loi, ces pirates et autres voleurs de contenus qui accroissent sensiblement le trafic en ligne. On peut toutefois être sûr, qu'une fois la conquête achevée, que les plus forts auront triomphé, les "shérifs" viendront rétablir la loi et l'ordre en pendant haut et court quelques-uns des petits aventuriers qui ne les auront pas respectés." Bernard Poulet montre que l'idéologie "libertaire" qui accompagne le triomphe d'internet n'est Citizen-kane souvent qu'un paravent derrière lequel s'édifient de puissants monopoles économiques pour lesquels l'information n'est qu'un produit d'appel parmi d'autres. Triomphe du gratuit, retour de l'utopie, triomphe démocratique, monde sans experts, tous journalistes, intelligence des foules, mécanisme de la longue traîne, autant de baudruches qu'il dégonfle méthodiquement, arguments à l'appui. Mais la réalité est bien là. Quand Maurice Lévy, le grand patron de Publicis, affirme son espoir en l'avenir de la presse écrite parce qu'il considère "qu'elle joue un rôle essentiel comme ferment de nos démocraties", le fils Alain plus pessimiste, répond : "Au risque d'être politiquement incorrect, je crois que les carottes ne sont pas loin d'être cuites". Alors, la situation est déjà foutue? Pas si sûr et la guerre est clairement ouverte : "A l'avenir, dit Dean Sigleton le patron de MediaNewsGroup, il n'y aura que deux catégories de quotidiens, les survivants et les morts." Objectif déclaré : table rase. Quitte à revisiter les sacro-saints fondements du métier: indépendance, travail d'enquête et d'investigation, qualité de l'information. Et redéploiement à partir de trois mots-clés, e-commerce, hyperlocal et communautés. Pour regagner le terrain perdu, tous les groupes de médias se sont engagés dans une reconquête à l'audience. S'ils n'ont pas encore trouvé de solutions à leurs problèmes, ils s'activent, tout azimuts, tout est à expérimenter : nouveaux métiers, fragmentation des contenus vers le multi-support, délocalisation, tout-internet, haut de gamme, etc. En ligne de mire, l'ennemi est clairement Google. Comme le dit le dirigeant d'un grand groupe de médias français qui préfère garder l'anonymat : "Sur Internet, c'est le marketing qui a pris le pouvoir. Google est là pour longtemps. Internet n'est pas seulement une question de savoir-faire, en matière de multimédia, de référencement ou de communauté. C'est un changement de pouvoir." En guise de conclusion, Bernard Poulet se demande si le tableau n'est pas trop sombre et il conclut: 'Au terme de cette enquête, il faut admettre que personne n'a encore trouvé le business model, le modèle économique qui permettrait de combiner la fabrication d'un information de qualité avec une diffusion de masse. Il faut accepter qu'une page plus que centenaire de l'histoire de médias et de la démocratie est en train de se tourner." J'aimerais savoir comment Monsieur Kane s'y prendrait aujourd'hui...
Si vous devez lire un seul livre pour comprendre la bataille qui s'engage actuellement, c'est bien celui-ci. Merci à Bernard Poulet de nous l'avoir offert moyennant une rétribution d'auteur amplement justifiée (et il n'y aura rien pour Google cette fois-ci!).


Manuscrits en papier

La ChambreAnnonce sur le blog de l'éditeur Léo Scheer aujourdhui: "La Chambre, le premier roman du philosophe Jean-Clet Martin est en librairie. Le livre est mis en place à 700 exemplaires, un peu plus que "Rater mieux" ce qui prouve que les libraires découvrent la collection et que les ventes de Barberines n'ont pas été inférieures à leurs prévisions. Je suivrai ici les réassorts et les retours comme pour les autres ouvrages de la collection M@nuscrits." Deuxième titre paru, donc, des manuscrits en ligne. Maintenant qu'il entre dans un stade de publication en papier, le texte cesse d'être téléchargeable. Logique, non? On apprécierais une version numérique payante mais cela viendra sans doute. Il cogite beaucoup notre ami Léo Scheer, plus de détails ici.
Dans toutes les bonnes librairies à un prix raisonnable de 10 euros.

PS: j'avais élu Léo Scheer, premier éditeur 2.0 l'été dernier (le terme est en train de se ringardiser aujourd'hui), mais il tient toujours la tête pour innover.


Qu'est-ce qu'un livre?

N49128714727_3331 A noter la parution cette semaine d'un nouveau numéro des "Cahiers de la Librairie", publié à l'initiative du Syndicat de la Librairie française, intitulé "Qu'est-ce qu'un livre?" avec la participation d'Olivier Carrérot, Roger Chartier, Milad Doueihi, Nicholas Carr, Marcel Gauchet, Eric Vigne, Olivier Bomsel, Bernard Lahire, Lionel Ruffel, Serge Regourd, Olivier Assayas, Laurent Mauvignier et Pierre Bergounioux. Un numéro sans aucun doute passionnant compte tenu de la qualité des intervenants. Courez vite chez vos libraires.
(une pensée pour Hélène Clémente et Sophie Saint-Marc)


La Bibliothèque, la nuit

9782742780372 Au début de l'année, Actes Sud a eu la bonne idée de ressortir dans sa petite collection si bien nommée Babel, le livre de Alberto Manguel "La Bibliothèque, la nuit". Je l'avais raté lors de sa parution en 2006 et j'ai bien eu tort! A partir de sa gigantesque bibliothèque personnelle qu'il a installée dans le pays de Rabelais, l'auteur nous convie dans un style plein de fantaisie à un voyage dans l'histoire des bibliothèques. Du particulier à l'universel, il embrasse avec méthode les différentes caractéristiques qui fondent aussi bien les aspects de conservation que de mise à disposition des publics. Ordre, espace, forme, hasard, survie, oubli, quelques mots repères parmi bien d'autres qui font échos bien évidemment aux devenirs de ces bibliothèques et à leur évolution dans une forme numérique. Tout est passionnant de bout en bout et l'auteur a su avec bonheur réussir à éviter l'essai historique assez aride pour une conversation intime avec son lecteur. Il aime bien évidemment trop la forme des livres pour voir un quelconque basculement et avoir un grand crédit pour la réalisation de la Babel numérique."L'Internet n'est qu'un instrument. Ce n'est pas sa faute si notre intérêt pour le monde dans lequel nous vivons est superficiel. Sa vertu réside dans la briéveté et la multiplicité de ses informations ; il peut aussi nous offrir concentration et profondeur... Mais il ne nous assurera pas davantage le gîte et le couvert pendant notre passage en ce monde, car ce n'est ni un lieu de repos ni un foyer, ni la caverne de Circé ni Ithaque (p.235)." Plus loin encore: "Le texte électronique qui n'a pas besoin de page peut accompagner en toute amitié la page qui n'a pas besoin d'électricité; ils n'ont pas à s'exclure l'un l'autre afin de mieux nous servir. L'imagination humaine n'est pas monogame et n'a pas à l'être, et de nouveaux instruments voisineront bientôt avec les Powerbooks qui voisinnent aujourd'hui avec nos livres dans la bibliothèque multi-média. Il y a une différence, toutefois. Si la Bibliothèque d'Alexandrie était l'emblème de notre ambition d'omniscience, la Toile est l'emblème de notre ambition d'omniprésence; la bibliothèque qui contenait tout est devenue la bibliothèque qui contient n'importe quoi. Alexandrie se voyait avec modestie comme le centre d'un cercle limité par le monde connaissable; la Toile, telle la première définition de Dieu imaginée au XIIème siècle, se voit comme un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part (p330)." Beaucoup d'autres passages seraient à citer, des anecdotes extrèmement bien choisies qui éclairent le propos. Celle-ci, notamment, qui m'a beaucoup amusé. Le critique anglais Paul Duguid observait: "Une brève rencontre critique suggère que si, par bien des côtés, le projet Gutenberg ressemble - en mieux - aux bibliothèques conventionnelles, cela ressemble aussi à une caisse de livres dans une vente de charité paroissiale, où le curé bénit au même titre trésors et nullités parce qu'ils ont pareillement été donnés." Bref, je ne saurais trop vous conseiller la lecture de ce petit livre si attachant, et en plus il a l'avantage aussi d'être illustré en noir et blanc; les vignettes sont souvent petites à ce format, mais c'est un régal de choix typographiques pour favoriser la lecture et l'érudition. Et je me suis plût à l'idée qu'une version électronique nous permettrait sans doute beaucoup plus de ressources et de vagabondages hypertextuels mais risquerait, sans nul doute, de nous égarer par rapport à la démarche de son auteur. Tout délicieux voyage est aussi délicieux parce qu'il a une fin et nous permet de continuer à voyager mentalement et intimement pour très longtemps...


Un exemple éclairant: Jean-Pierre Martinet

Coups-de-martinet,M12783 Pour éclairer mon article précédent, je voudrais citer l'exemple très concret des livres de Jean-Pierre Martinet. Qui connait l'écrivain Jean-Pierre Martinet? Après plus de 15 années d'oubli le plus total (15 années d'internet justement) car il est décédé en 1993...
Et bien, grâce à l'action conjuguée :

- de deux "petits" éditeurs qui ont eu le courage de le rééditer, avec leurs propres sous, ici, ici et encore ici dans une édition typographiquement et esthétiquement parfaite.
- d'un "riche" et "petit" éditeur qui ne cesse d'ouvrir son catalogue aux humbles.
- d'un éditeur qui oeuvre au sein d'une "major" de l'édition.
- de quelques journalistes et éditeurs qui ont joué un rôle de relais.
- de libraires passionnés sur la toile et dans la vie réelle sur les tables.
On rédécouvre, avec bonheur, les livres de Jean-Pierre Martinet. La vie des livres...
Autant de "formes d'inscription qui ont délimité et imposé des possibilités de son appropriation". J'ai bien peur que, sans la bonne volonté de ce petit monde, Jean-Pierre Martinet serait resté encore longtemps désapproprié dans l'univers de la toile...


L'autofictif en papier

Img "Quand toute l’édition sera devenue numérique, c’est alors que nous autres, fils des techniques silencieuses, allons pour la première fois, comme Balzac, comme Hugo, entendre gémir les presses."
 

[Les 328 premiers billets de l'autofictif, le blog d'Eric Chevillard, publiés entre le 18 septembre 2007 et le 17 septembre 2008, sont désormais disponible aujourd'hui en librairie dans une version papier, comme cela se faisait jadis, aux Editions de l'Arbre vengeur, 15 euros.]
(Merci à Alain).


L'année en 13 livres sur FricFracClub

Les meilleurs livres de 2008, une sélection resserrée de 13 titres, sont sur l'excellent FricFracClub. Pourquoi ce chiffre de 13? Un par mois, plus un autre pendant les vacances? Cela porte bonheur? Une théorie kabbalistique? Assez fier de mes choix personnels de lecture dont je vous avais brièvement parlé, Bolano, MacCarthy, Powers. Reste quelques autres à découvrir et surtout le Pynchon dont je reporte la lecture depuis plusieurs mois. Je glisserais aussi la redécouverte du Jérôme de Jean-Pierre Martinet (un grand merci à LeoScheer) qui est un très grand livre, et l'Education Libertine de Jean-Baptiste Del Amo. En espérant que vous glisserez ces romans dans vos lectures de cette année, ils en valent la peine...


Concours des plus beaux livres

Voici la liste des 25 ouvrages lauréats, toutes catégories confondues du Concours des plus beaux livres 2008. Nos amis allemands le faisaient depuis des années. Grâce à l'initiative de quelques-uns, c'est maintenant un événement qui commence à compter en France. En piste pour le concours international maintenant... Merci à ObjetsLivres et à Florence.
PS: à signaler aussi une sélection de bons livres de typographie, de graphisme et d'histoire du livre.


Bibliothèques et fantômes

BonnetUn délicieux petit livre, celui de Jacques Bonnet, "Des bibliothèques pleines de fantômes" qui vient de paraître aux Editions Denoël, se propose de nous initier aux joies et aux vissicitudes des très grandes bibliothèques, celles des plus de 5000 volumes - les fantômes étant ces feuilles ou cartons que l'on met à la place d'un livre sorti d'un rayon de bibliothèque, d'un document emprunté. Ces grands paquebots sortis tout droit d'une époque qui semble aujourd'hui révolue et qu'il est bien difficile de barrer. J'ai connu Jacques Bonnet du temps où il officiait en tant que secrétaire général d'une grande maison d'édition, en essayant d'allier, bon gré mal gré, l'exercice périlleux de la passion des livres et de la rentabilité à deux chiffres. Il a heureusement poursuivi son chemin dans la première voie en tant que traducteur, éditeur, critique d'art et auteur, nous gratifiant de temps en temps de délicieux petits ouvrages. Après "A l'enseigne de l'amitié" paru il y a quelques années autour du philosophe italien Giordano Bruno, il nous donne aujourd'hui un petit essai sur l'art et la manière de gérer une très grande bibliothèque, perpétuant en cela la tradition des grands bibliophiles et qui n'est pas sans rappeler les petits ouvrages du Bibliophile Jacob que l'on trouve de temps en temps dans les boites des bouquinistes. Le livre fourmille d'anecdodes (on regrette un petit index), de curiosités, de bizarreries sur l'art et la manière d'aimer les livres et de les accumuler. A ce propos, iI y a quelques années, un pompier de Paris m'avait raconté qu'il avait quelques années auparavant, vidé de toute urgence de ses livres un appartement qui menaçait d'écrouler l'immeuble entier. En fin d'ouvrage, l'auteur se pose la question de l'usage de ces bibliothèques dans leurs rapports avec le savoir. "Curieusement la source d'informations infinie que constitue Internet n'a pas pour moi le même statut magique que ma bibliothèque. Je suis devant mon ordinateur avec lequel je peux accéder à tous les renseignements inimaginables, encore plus maître du temps et de l'espace, et pourtant il y manque "le divin". Peut-être une question charnelle: je fais cela du bout des doigts, cela reste extérieur, cela passe par une machine et un écran. Rien à voir avec mes murs tapissés des livres que je connais - presque- tous par coeur. D'un côté j'ai l'impression d'être au commande d'un fabuleux bras articulé capable de toutes les performances dans le vide sidéral extérieur, de l'autre dans un utérus aux parois tapissées de rayonnage dont l'archétype romanesque pourrait être le Nautilus. Comme on le voit la question n'est pas seulement de rationalité". Sans opposer de manière dogmatique électronique et papier, Jacques Bonnet s'interroge s'il aurait constitué la même bibliothèque s'il avait été de la génération Internet? Sans doute pas, répond-t-il, même si pour lui: "Quant à lire Guerre et Paix ou feuilleter L'Os à moelle de Pierre Dac sur un écran, le support papier, comme disent les spécialistes, a encore tout un avenir".