Annie Ernaux : le Quarto indisponible au format numérique

ErnauxPrix Nobel la semaine dernière pour Annie Ernaux. Si l'ensemble de ses livres sont proposés au format numérique, on ne peut que regretter l'absence du volume dans la collection Quarto que lui avait consacré les éditions Gallimard il y a une dizaine d'années. Ceux qui voudront lire plusieurs de ses livres devront se tourner sur un prix équivalent à l'ensemble des poches. Discrimination du format numérique, toujours traité avec une certaine défiance. En plus de la DRM bien évidemment. Dans le même temps les éditeurs passent à l'offensive contre le piratage, il y a toujours une certaine incohérence dans la stratégie des éditeurs à ne pas développer des offres légales qui correspondent aux attentes des lecteurs.


Bibliothèque Numérique Romande : nouveau site

BnrÀ signaler le nouveau site que vient de mettre en ligne la Bibliothèque Numérique Romande. Des livres numériques gratuits proposés par une équipe de bénévoles, qui numérisent et relisent avec soin. Un travail de qualité, l'un des tout premiers à recommander dans l'espace francophone. Sans modération pour vos lectures, c'est par ici.


De Marque : dix ans de livre numérique 2012-2022

PlatIntéressant document proposé par la société québecoise De Marque qui revient sur 10 ans de livre numérique au Québec. Un acteur particulièrement important non seulement au Québec mais aussi chez nous, avec l'importance qu'ils ont eu du côté de la distribution numérique avec EdenLivres dont ils ont assuré le développement, sans parler des rachats de Feedbooks et de Cyberlibris. Vraiment une synthèse très complète sur le sujet, bravo.

Téléchargement Rapport 10 ans de données sur le livre numérique au Québec


Les éditeurs français ciblent la plate-forme Library-Z

LerneNouvelle cible des éditeurs français pour lutter contre le piratage, celle de la plate-forme Library-Z. Communiqué de presse aujourd'hui du Syndicat National de l'Édition. "Par son jugement rendu le 25 août 2022, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage du site Z-Library par les fournisseurs d’accès à Internet. "Au total ce sont 209 noms de domaine et leurs éventuelles extensions sur d’autres sites «miroirs» qui sont rendus inaccessibles." Lire ici.

Liens bloqués, il ne s'est pas passé une semaine sans que d'autres soient créés évidemment, sans parler des utilisateurs qui modifient la DNS ou utilisent un VPN, impossibles à empêcher. C'est la méthode la plus courante pour empêcher l’accès à un site illicite. Hasard ou provocation, ce même site Library-Z, qui revendique dans toutes les langues près de 1,2 M. de livres et  85 M. d'articles, a lancé du 15 septembre au 1 octobre un appel de fonds "à tous ceux qui veulent contribuer encore plus au soutien et au développement de notre projet". Déjà 30% de la campagne est atteint à ce jour.

Library-Z dispose selon eux de serveurs basés partout dans le monde : aux États-Unis, en Russie, en Allemagne, en Finlande, en Malaisie et au Luxembourg. "Le volume de données stockées est actuellement supérieur à 220 TB". Si la musique et à un degré moindre la vidéo avec le streaming (la multiplication des services restant un réel frein), semblent passer à un autre sujet que le piratage, c'est que les offres légales sont parvenues à un degré de maturité satisfaisant pour les utilisateurs. Offre légale satisfaisante, l'Hadopi n'avait cessé de le répéter; c'est loin d'être le cas pour le livre numérique quand on rajoute l'utilisation très contraignante des DRM, les prix élevés, les restrictions géographiques pour les francophones et la faiblesse actuelle de l'offre en bibliothèques, c'est beaucoup. L'Hadopi semble d'ailleurs avoir complètement jeter l'éponge sur le sujet.

Il semble que les éditeurs aient abandonné un outil collectif de surveillance. Avec ou sans Library-Z, la rentrée littéraire reste très largement piratée comme tous les ans bien ailleurs. Notamment de la part d'acteurs qui ne disposent pas de leurs propres serveurs. Est-ce que cela change quelque chose alors que celle-ci semble redonner le sourire aux éditeurs ? Grand écart difficile...


Tout Rabelais chez Bouquins: pertinence de la version numérique

CoverÉvénement en cette rentrée que la parution de ce "Tout Rabelais" aux Éditions Bouquins, en coédition avec la librairie Mollat, comme l'avait été le dernier Montaigne, il y a trois ans. À signaler la très belle préface de Romain Menini et l'important appareil de notes proposé à la fin du copieux volume, sacrée brique. Tout Rabelais en un seul livre, saluons le pari éditorial.

En ce qui concerne la version numérique, déjà saluer l'éditeur, le seul à proposer des œuvres complètes avec La Pochothèque je pense; à contrario de la Pléiade, Omnibus, Babel et d'autres encore. Alors que ces derniers sont sur la défensive par rapport au format numérique, Bouquins propose résolument les versions à la parution des ouvrages.

L'intérêt de cette nouvelle édition de Rabelais est à la fois de donner un texte original aussi exact que possible des livres complets, mais aussi de proposer une version moderne, une "translation" (c'est le terme utilisé) dans notre langue actuelle. À chacun de choisir...

Dans la version imprimée, le texte original est donné systématiquement en belle page, la translation en regard sur les pages de gauche. Personnellement j'aurais préféré le choix inverse. Je comprends le choix éditorial mais j'ai toujours eu beaucoup de difficulté à mener la lecture de Rabelais en vieux français sur des centaines de pages. La translation est pour moi le socle de ma lecture. Cela a toujours été le cas, comme du temps où mon édition préférée était celle dans l'Intégrale au Seuil. Si d'ailleurs vous pouvez vous la procurer à petit prix sur le marché de l'occasion, n'hésitez pas.

Dans ce "Tout Rabelais", comme la disposition des textes en regard est impossible bien évidemment dans une version numérique, l'éditeur propose dans celle-ci intelligemment trois versions à la suite :

  • le texte original seul.
  • le texte dans la translation moderne seul.
  • le texte dans l'original et la translation, au fur et à mesure du texte à la suite, alternativement dans l'ordre des pages.

Ce qui relève d'un codex pour la version imprimée est donné en quelque sorte sous forme de volumen dans la version numérique.

Dans la version numérique, le lecteur peut faire le choix de la version qui lui convient, oublier le texte original en continu ou apprécier celui-ci seul ou en comparatif. C'est plus de 7000 pages qui sont proposés avec les reprises au lieu des 2000 pages de la version imprimée.

C'est remarquable, la complémentarité entre la version imprimée et numérique est un vrai atout pour le lecteur moyen comme pour le chercheur. C'est là aussi que l'on voit l'absurdité actuelle de ne pas pouvoir proposer une offre couplée, celle-ci aurait un sens évident.

Félicitations à Bouquins/ Mollat pour cette édition la plus complète que possible de l'œuvre de Rabelais, dans le fond comme dans la forme; quand le numérique vient enrichir lui aussi l'accès aux textes. Bientôt cinq cent ans après leurs parutions, la rupture du codex s'en trouve amplifier...

Un petit hommage, entre pérennité et modernité...

Rabelais

 


Rentrée 2022 : les liseuses ont toujours la cote

KoboDécidément les liseuses ont toujours la cote, quand on pense que certains les enterraient allègrement il y a dix ans. Pour preuve en cette rentrée, ce sont les deux leaders du marché Amazon et Kobo qui se tirent la bourre avec deux nouveaux modèles sur le segment de gamme principal.

Chez Kobo, c'est une nouvelle Kobo Clara E2 qui est annoncé pour le 22 septembre prochain. Voir l'excellent test chez GoodeReader. Je retiens personnellement la qualité de l'écran, l'attention sur le plastique recyclé, le support audio. Une chose importante qui n'est pas mentionné c'est l'absence d'une compatibilité avec les offres en bibliothèques en France. La DRM LCP n'est pas implémenté alors que le standard ouvre désormais sur tout le catalogue français et la DRM Adobe ne fonctionne plus. Les nombreux témoignages remontent du côté des bibliothèques, ne comptez pas emprunter des livres numériques. C'est quand même très embêtant pour les lecteurs, avec des offres qui s'étendent en France comme chez nos voisins francophones. Alors qu'en Allemagne Kobo Rakuten a avancé sur le sujet avec la marque Tolino qu'ils ont racheté, ce n'est pas le cas en France; c'est vraiment dommage, rien de tel du côté de Kobo France, exit les bibliothèques. "Eco-friendly" c'est bien, "Bibliothèque-friendly", ce serait encore mieux...

PS: j'ai trouvé une page qui montre l'utilisation possible de la DRM LCP chez Tolino.

https://hilfe.onleihe.de/pages/viewpage.action?pageId=3441453

 


Iznéo : la Fnac trouve la sortie

Logo-izneoSequencity arrêté en début d'année avec son partenariat avec Leclerc, Youboox revendu à Nextory, c'est aujourd'hui la Fnac qui se retire d'Iznéo comme actionnaire majoritaire au profit du seul groupe Media-Participations (voir Livres-Hebdo).

Preuve supplémentaire s'il en était que le modèle actuel de la bande dessinée numérique ne fonctionne pas, qu'il ne représente plus un enjeu stratégique fort pour un acteur français mais aussi européen comme la Fnac. C'est le diffuseur historique qui part.

D'après les derniers chiffres de l'édition donnés cet été, le marché de la bande dessinée est de 509,6 millions d’euros en 2021, avec une croissance de 55,8% par rapport à 2020, c'est le grand vainqueur de l’année dernière tous secteurs confondus. Paradoxalement, alors que les ventes numériques représentent désormais entre 5 et 15% des autres secteurs éditoriaux (sans parler du professionnel-universitaire à plus de 40%), la bande dessinée numérique plafonne toujours à un peu plus de 1%. Même l'effet Covid ne se sera pas fait sentir chez les amateurs.

Et pourtant dieu sait si Iznéo avait incarné beaucoup d'espoirs, une plate-forme 100% française contre les géants américains, très largement aidée par le CNL, faut-il le rappeler. Iznéo ouvert au printemps 2010, quels mois seulement avant la sortie de l'iPad puis le déferlement qui a suivi; le constat est cuisant dix ans plus tard, la mayonnaise n'a pas prise. Alors que la presse trouve enfin son modèle, la bande-dessinée numérique ne convainc toujours pas ses lecteurs. Il s'agit d'ailleurs de chercher les tablettes dans les linéaires de cette même Fnac pour s'en convaincre, ce n'est plus l'effervescence sur ce segment.

Alors que le manga numérique bouge avec l'arrivée de l'application du japonais Piccoma en France (son développement vient d'ailleurs bousculer la loi sur le prix unique), c'est en tout cas une annonce importante aujourd'hui qui remet aussi en perspective plus largement le développement du streaming et des offres d'abonnements dans l'édition. C'est peut-être du côté du livre-audio qu'il faut lorgner, à noter que c'est Ainara Ipas, ancienne directrice du service d’auto-édition Kindle chez Amazon, et ex-directrice d’Audible, qui prend les rênes d'Iznéo; un signe certain, l'enjeu est à l'audio.


Le catalogue français d'ebooks est disponible avec la DRM LCP

Logo_lcp_epagineLa DRM LCP est disponible désormais sur tout le catalogue de livres numériques français, les accords avec les éditeurs sont complets. C'est l'annonce qui a été faite en cette rentrée par ePagine. Un vrai parcours du combattant qu'a dû subir cette "DRM light", une solution open-source développée par EDRLab. La rampe de lancement était annoncée début 2017, c'est vous dire, revoir ici.

Le Monde revient sur les facilités à gérer les échanges de livres numériques avec des proches. Si la DRM est bien évidemment indispensable pour le prêt de livres numériques en bibliothèques, personnellement je me désole qu'une DRM soit encore attachée à des achats de livres en librairie en 2022. La solution du marquage, adoptée depuis des années par bon nombre d'éditeurs indépendants, a fait ses preuves, les livres ne sont pas plus piratés que les autres. Moins d'ailleurs, pour preuve les best-sellers sous DRM que l'on retrouve rapidement piratés en quelques jours, voire quelques heures pour certains. Enlever un marquage est un peu plus compliqué et dissuasif que d'enlever une DRM...

Le catalogue français sous DRM LCP, c'est déjà une étape importante vous me direz. Reste maintenant le problème épineux des matériels de lectures, notamment les liseuses, qui acceptent cette DRM LCP. Seules les marques Bookeen et Vivlio ont réalisé le déploiement. Pour Amazon et son format propriétaire, il ne faut bien entendu pas rêver; c'est bien entendu du côté de Kobo que les regards se tournent. La marque est très implantée en France au fil des années, avec le partenariat avec la Fnac. C'est aussi du côté des bibliothèques que l'enjeu est important. Il faudrait que Kobo (avec l'assentiment de la Fnac bien sûr) réalise ce passage. Il semblerait que la chose est faîte en Allemagne depuis quelque temps. C'est Livres-Hebdo qui le souligne: "Outre-Rhin, la nouvelle DRM est en effet compatible avec le fabricant de liseuses Tolino, créé par une alliance d’entreprises et racheté en 2018 par Kobo."

Si vous possédez une liseuse Kobo, je vous invite à vous rapprocher de Kobo France de toutes les manières que vous pouvez (mail, faq, réseaux sociaux, etc.), pour demander cette DRM LCP, qui permet d'échanger facilement vos livres numériques avec vos proches.

"J'ai appris que la DRM LCP est disponible sur tout le catalogue de livres numériques en France; quand pensez-vous que cette DRM sera disponible sur ma liseuse Kobo, pour faciliter les échanges de livres numériques avec mes proches? Merci pour votre retour."

Je fais aujourd'hui cette demande à Kobo France et la Fnac sur twitter; imitez-moi, peut-être que les choses bougeront dans le bon sens...

PS: Il y a urgence, relayée par notre ami bibliothécaire Franck Queyraud: "Les possesseurs de Kobo ne peuvent plus accéder au prêt numérique en bibliothèque via drm ADE. L'astuce ADE 3.0 ne fonctionne plus et le fichier plus accessible sur le site." Help Kobo!


Marcel Proust : centenaire de sa mort

ProustCentenaire de la mort de Marcel Proust le 18 novembre prochain, la rentrée nous promet sans doute encore de nombreuses publications, manifestations, podcasts et mises en ligne diverses autour de l'écrivain et de son œuvre. Versant numérique, à signaler la mise à jour importante du site marcel-proust.com qui propose l'intégrale du texte de la Recherche en ligne avec les résumés, des citations, des études, etc. Regret de ne pas trouver de versions en ePub ou en PDF pour les lecteurs. Je vous redonne le lien vers le billet que j'y avais consacré il y a plus de cinq ans. C'est par ici avec une excellente version numérique. Je vous recommande également l'excellent Proustonomics, incontournable s'il en est, vous ne manquerez rien. L'œuvre de Marcel Proust à partager sans modération, elle est depuis 35 ans dans le domaine public, s'il fallait le rappeler.

PS : si vous recherchez une version audio de La Recherche libre et gratuite, je ne saurais trop vous conseiller l'excellente version réalisée par les sociétaires de la Comédie Française l'année dernière, en relais soir après soir, comme un mini-marathon en écho à la mise en scène par Christophe Honoré du «Côté de Guermantes» jouée au Théâtre Marigny. Magnifique évidemment, quand on a le meilleur. Pas moins de 149 lectures au total, sans modération...

C'est par ici.


Du fichier informatique à l'imprimé

PrintJ'ai retrouvé dans mes archives cet été ce document tiré de la revue Caractère en février 1998, bientôt 25 ans...

Les grandes étapes de la révolution numérique de l'imprimé dans déjà réalisées. En à peine 15 ans le chemin est fait.

En amont, les évolutions de la PAO (publication assistée par ordinateur) ont été réalisées depuis la fin des années 80 avec des ordinateurs personnels (Apple, PC), le langage PostScript, des logiciels de mise en page et de retouche d'images de plus en plus performants, passant de la simple bureautique à des applications professionnelles. On peut citer PageMaker, QuarkXPress, Illustrator, Photoshop. Les technologies de photocomposition et de tables de montage électronique ensuite sont peu à peu mises au rencart. La numérisation concerne surtout les ouvrages anciens (OCR) et les illustrations, les auteurs remettant désormais leurs textes sous forme numérique sous le format Word avec la fourniture de disquettes, ou d'envoi par mails pour les plus affutés. Les appareils photo numériques ne sont pas encore généralisés, l'étape du film négatif et les scans sont encore inévitables.

Coté offset, le Computer-to-film (CTF) est déjà en production dans beaucoup d'imprimeries supprimant l'étape fastidieuse du montage des morceaux de films. Le Computer-to-Plate (CTP) commence à se développer supprimant l'étape du grand film vers la plaque. Il faudra encore attendre quelques années pour voir arriver en production la suppression de la plaque elle-même avec le DI (Direct-Impression), la gravure s'effectuant directement sur la presse avec un support réinscriptible.

Côté impression numérique c'est encore les balbutiements en cette fin des années 90 avec plusieurs technologies en concurrence (thermique, laser, jet d'encre, etc.)

Pas de format ePub bien sûr, le format PDF (Portable Document Format) créé en 1993 par la société Adobe règne en maître. Il est plus sûr et plus léger pour les échanges entre les éditeurs et les imprimeurs. Légèreté aussi pour les échanges sur les réseaux avec le développement du web qui commence. Autre révolution en marche...

 

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Un été avec Blaise Cendrars : quelles oeuvres complètes ?

ImagcendrarsCet été en compagnie de Blaise Cendrars. L'envie de relire tous les livres de cet écrivain très important dont j'avais déjà lu plusieurs titres par le passé. L'occasion aussi de regarder quelle édition choisir et plus largement le statut de ces œuvres complètes disponibles chez les éditeurs français. Laquelle choisir?

Les œuvres complètes de Cendrars ont été publiées juste après la mort de l'auteur entre 1960 et 1965 aux Éditions Denoël, dans une belle édition en 8 volumes en toile verte sous jaquette. Au début des années 2000, sous le titre général « Tout autour d’Aujourd’hui », une nouvelle série, enrichie de préfaces et d’annotations, remplace la première édition, cette fois-ci en 15 volumes brochés. Cette édition est disponible au format numérique au seul format PDF, pas de version ePub, bien dommage que l'éditeur n'ait pas fait l'effort. En plus 20€ le volume, vous imaginez la somme, j'ai oublié. Autre édition, celle dans la Pléiade, en deux volumes sortis en 2013, mais ce sont ces seules œuvres autobiographiques qui sont disponibles. Exit bon nombre de titres importants. Comme vous l'aurez peut-être déjà remarqué, je ne suis pas très amateur de cette collection. Je ne reviendrais pas sur un certain "snobisme de mise" autour de cette collection au fil des années, c'est aussi le développement sans cesse des appareils critiques qui gonflent les volumes de manière intempestive à mon sens. Ce n'était pas la philosophie de cette collection à ses débuts. Lire un grand écrivain sans la glose universitaire. C'est aussi le corps bien petit de la typographie, l'absence de marges qui me rebute. Au fil des années, je me suis débarrassé de bon nombre de Pléiade que je n'avais plus l'envie de relire sous ce format, La Recherche de Proust notamment, relu au format numérique il y a quelques années. Bref, oublié la Pléiade...

Rien chez Quarto, Omnibus ou Bouquins bien sûr dont j'aime tant la complémentarité du numérique. J'aurais pu aussi choisir les versions numériques disponibles chez Folio, mais pour une somme identique voire bien moindre, je préfère une version imprimée. J'ai mis de côté la version brochée, j'ai fait le choix de la première édition sans appareil critique, publiée dans les années 60 d'occasion. Revenir aux fondamentaux en quelque sorte. Je pensais acheter les 8 volumes au fur et à mesure, en fouillant j'ai trouvé pour 120€ les 8 volumes d'un coup, en très bon état. Près de 4500 pages au total. Une belle étagère dans ma bibliothèque, de belles reliures en toile qui n'existent plus chez les éditeurs aujourd'hui, des éditions qui étaient courantes dans les années 60 à 80 chez les éditeurs comme en versions club et qui ne sont plus utilisées aujourd'hui, c'est bien dommage. Bon nombre d'écrivains importants mériteraient de telles éditions de prestige aujourd'hui.

Il faudrait absolument repenser ces éditions de prestige, relancer peut-être des souscriptions, je pense qu'il y aurait un public pour cela, le dernier succès de Lovecraft chez Mnemos est un signe évident. N'hésitez pas à me laisser vos commentaires, bel été à vous.

PS: depuis que j'ai publié ce billet, les Editions Grasset proposent une nouvelle édition en 15 volumes brochés. La parution est prévue entre 2022 et 2025. La version numérique pour chaque volume est proposée au format ePub. Malgré le prix élevé pour ceux qui souhaiteront l'ensemble, l'initiative est vraiment à saluer. C'est aussi pour ce genre de série que la complémentarité imprimé/numérique s'imposerait plus que jamais.


FeniXX : 2.000 titres en promotion à petit prix

Logo_fenixxUn focus sur la plate-forme FeniXX, celle des livres indisponibles du XXème siècle, qui a connu bien des aléas il y a quelques années, faut-il le rappeler. Un catalogue de 85.000 titres, des années 50 à 90, tous épuisés et jamais réédités chez les éditeurs. Bon nombre d'éditeurs qui ont fait faillite d'ailleurs, des fonds souvent intéressants à redécouvrir. Du 18 juillet au 31 août, 2.000 titres seront au prix de 2,49€.

L'occasion de fouiller comme vous le feriez dans une brocante ou un désherbage de bibliothèque. Pas mal de nanars bien sûr, il faudra être patient et curieux. Vous retrouverez évidemment l'offre chez vos libraires habituels. On ne peut que regretter que les bibliothèques soient privées de ces livres qui sont finalement de notre patrimoine commun, nous aurions de belles sélections à la clé. Désherber des livres imprimés oubliés pour les proposer conjointement au format numérique, n'y aurait-il pas une certaine logique?


Les chiffres de l’édition 2021-2022

RS22_CouvWeb_solo-796x1024Les traditionnels chiffres de l'édition sont désormais disponibles au début de l'été, sur le site du Syndicat National de l'Edition, ici. Il y a quelques années, il fallait attendre fin août, on avance.

Légère baisse du poids du livre numérique chez les éditeurs qui représente 9,3% du chiffre d’affaires total des ventes de livres des éditeurs (2 931 M€). Ce poids est un peu plus faible qu’en 2020 (où il représentait 10,1%), car la croissance de l’édition numérique en 2021 (3,6%) a été moins forte que celle de l’édition dans son ensemble (+12,5%), une année exceptionnelle pour le secteur.

La synthèse Téléchargement RS22_SNE_Synthese_Chiffres_Edition_2021


Une autre stratégie éditoriale: le poche et le numérique d'abord

BlackwaterIntéressant contre-exemple de celui que j'avais développé en début de semaine autour de la publication des livres de H.P. Lovecraft chez Mnémos. En ce début d'été, les Éditions Monsieur Toussaint-Louverture ont choisi une toute autre approche éditoriale pour la publication de la série BlackWater de Michael McDowell. La similitude est assez frappante: littérature étrangère de titres anciens avec des traductions inédites, littérature populaire avec un lectorat relativement proche, même nombre de volumes. C'est aussi deux éditeurs indépendants qui publient déjà eux-mêmes des collections de poche sans recours aux éditeurs de poche traditionnels. Au contraire de Mnémos qui démarrait par la collection de prestige en souscription, Monsieur Toussaint-Louverture a choisi une stratégie à rebours, à savoir de commencer par la publication de la série au format de poche, avec les versions numériques (8,40€ pour les poches imprimés, 7,99€ pour les versions numériques sans DRM). Une stratégie risquée vu l'avalanche traditionnelle d'éditions de poche proposées en cette période avec le marketing rodé de la part des acteurs leaders du marché, bien difficile de se faire une place en librairies. "Dominique Bordes a fait un premier tirage audacieux à 100.000 exemplaires (avec un point d’équilibre à 48.000 exemplaires vendus, et ce fut un succès. Un bouche-à-oreille exponentiel, des premiers tomes rapidement en rupture de stock, beaucoup de relais sur les réseaux sociaux… Mi-juin, l’éditeur annonçait une réimpression de 160 000 exemplaires supplémentaires. À ce jour, 330.175 volumes ont été fabriqués." (voir Télérama).

Ce n'est assurément pas un hasard si l'éditeur a choisi cette stratégie, la calquant sur un format d'abonnement à la Netflix, comme une série, 250 pages par titre, 7/8€ tous les 15 jours; plutôt que de publier un énième pavé de l'été en grand format à 25€. Versant numérique, rappeler le clin d'œil habituel de l'éditeur en direction du piratage, qui figure en tête des volumes: "Monsieur Toussaint Louverture vous précise que ce livre est dépourvu de DRM. Vous l’avez peut-être acheté, peut-être pas. Toujours est-il que maintenant, vous n’avez plus qu’à le lire. Et s’il vous a plu une fois votre lecture achevée, prêtez-le à vos proches, à vos amis si vous en avez envie, partagez-le si vous pensez que c’est nécessaire, mais parlez-en."

Monsieur Toussaint-Louverture se réserve certainement ensuite la possibilité de faire paraître une édition collector de grande qualité en grand format (pourquoi pas avec des illustrations), on peut lui faire confiance sur ce point, il sait faire. Toujours cette chronologie du média en réflexion, intéressant de voir que ce sont les petits éditeurs indépendants qui s'en empare avec créativité, loin des machines bien huilées des grands groupes. Succès au rendez-vous pour les deux, avec des chemins différents; de quoi bousculer le ronronnement habituel des sempiternels best-sellers habituels.


Format numérique : quelle chronologie du média ?

LovecraftPassionnante aventure éditoriale que celle réalisée par les Éditions Mnemos pour la publication de l'intégrale des œuvres de H.P. Lovecraft, traduite et unifiée par un seul traducteur. C'est la levée de fond exceptionnelle, grâce au financement participatif de 5216 souscripteurs sur Ulule début 2018, qui aura permis la publication d'une édition de prestige sous coffret l'année dernière. À revoir les tenants et les aboutissants dans l'interview réalisée en fin d'année. Cette nouvelle traduction intégrale a été réalisée par David Camus, voir l'article de Diacritk. Depuis janvier dernier parait une nouvelle édition cartonnée en librairie, les trois premiers sont parus. On aurait pu s'attendre à a la sortie conjointe des versions numériques correspondantes. Elles seront en fait décalées de six mois chacune, la première paraîtra en septembre prochain avec une réduction substantielle de plus de 50% (9,99€ pour la version imprimée à 22€). Suivront les éditions de poche sans doute à partir de 2024 dans la collection Hélios, l'éditeur le confirme dans le cours de l'interview. Intéressant de revenir sur cette stratégie qui rejoint des questionnements qui s'étaient posés au démarrage du format numérique il y a quelques années et qui concerne la chronologie du média. Comment articuler la sortie du format numérique par rapport aux autres formats, grand format, poche?

Tout d'abord, la sortie conjointe avec l'édition grand format. Je ne reviendrais pas sur le cas très particulier de l'édition en souscription, il est bien évident que celle-ci est réservée aux souscripteurs, pas de diffusion hors de ce cadre-là; il semble d'ailleurs que les souscripteurs aient reçu gracieusement la version numérique en complément à l'époque. Le décalage chronologique entre la parution de la version grand format imprimé et la version numérique remet en lumière une question qui avait été soulevé au démarrage du marché au début des années 2010, je pense notamment chez Grasset. Celle-ci venant pourquoi pas plusieurs mois après, sans doute à mi-chemin avant la parution du poche. A l'époque, le format numérique exacerbait toutes les craintes. Sortir la version numérique tout de suite, n'étais-ce pas freiner, handicaper la diffusion de la version imprimée? Le modèle Amazon lancé précédemment aux États-Unis n'avait pas, malgré le dumping réalisé sur la version numérique, crée de baisse sur les versions en hard-cover. Force est de constater que la même chose s'est passé chez nous, même si l'érosion constaté au fil des années sur le grand format est sans doute plus dû à l'extension importante du poche. Depuis, rien ne semble devoir remettre en cause la parution concomitante du grand format et de la version numérique. De là cette relative surprise chez Mnémos pour l'Intégrale Lovecraft. L'éditeur semble vouloir zapper une telle sortie pour attendre six mois et proposer tout de suite une baisse de prix bien plus significative, équivalente à un format poche au catalogue Hélios. Intéressant, sans doute qu'en 2023/2024 le prix du format numérique baissera-t-il encore sous la barre du poche. On pourrait la résumer :

  • édition collector de prestige avec version numérique offerte.
  • édition grand format pour la librairie un an plus tard.
  • édition numérique six mois plus tard avec une réduction de plus de 50% à 9,99€.
  • édition poche un an/deux ans plus tard avec conjointe une baisse de prix de la version numérique à 5,99€.

Une chronologie du média assumée qui n'est pas sans rappeler celle des Éditions Bragelonne, eux-aussi dans le domaine de l'imaginaire. Chaque lecteur trouvant son compte, entre imprimé ou numérique, attendre ou prendre tout de suite. Peut-être que Mnémos, pour être tout à fait complet, aurait pu ajouter une version numérique intermédiaire à 11,99€ ou 12,99€ pour accompagner la sortie du grand format; sans doute beaucoup de lecteurs numériques frustrés cet été, ils devront patienter à l'automne.

Cette réflexion sur la chronologie du média livre me parait intéressante, fidéliser les lecteurs à une pratique compréhensible. Elle devrait guider d'autres éditeurs je trouve, plus que des actions de promotions opportunistes où les titres se révèlent noyés dans la masse et qui ne profitent bien souvent qu'aux enseignes anglo-saxonnes, la plus célèbre en tête.


Ulysse de James Joyce en version numérique

JoyceUlysses2Centenaire de la publication d'Ulysse de James Joyce hier, c'est l'occasion de mettre en valeur ce grand classique de la littérature du XXème siècle. Rappeler aussi qu'il est toujours absent au format numérique chez l'éditeur. Le site EbooksGratuits le propose heureusement depuis quelques années.

Il s'agit de la traduction de référence d'Auguste Morel revue par Valéry Larbaud, Stuart Gilbert et l'auteur lui-même, sortie en 1929 à la Maison des Amis des Livres d'Adrienne Monnier. Joyce "pléiadisé" en 1995 avec cette traduction, Gallimard en proposait une nouvelle en 2004, relançant évidemment ainsi les droits pour la maison. L'éditeur n'a rien juger bon de faire en cette année de centenaire...

Cent ans après sa sortie en langue anglaise en 1922, Ulysse de James Joyce est bien sûr dans nos biens communs avec l'ancienne traduction, téléchargeable librement pour tous les francophones. Une version réalisée avec le soin habituel qui caractérise nos amis québecois d'EbooksGratuits. Un considérable travail de numérisation et de corrections, près de 800 pages au total. A retrouver sur le site en deux volumes ici et ici.

Vicissitude de cette traduction: "Avant même que la traduction française sorte, en 1929, aux Amis du livre, Gaston Gallimard comprend qu'il a fait une grosse erreur en laissant filer ce livre. Il alterne lettres patelines et propositions fermes en direction d'Adrienne Monnier. Rien n'y fait. Mais, finalement, celle-ci, en proie à des difficultés financières, cède, en 1937. Au terme de longs marchandages, Gaston rachète Ulysse pour 22.000 francs (soit 12.000 euros d'aujourd'hui) et 5% des droits à Joyce. Comme avec Du côté de chez Swann de Marcel Proust, il récupère le stock restant et le recouvre de la célèbre couverture de la NRF. Joyce est "blanchi"" (via L'Express). Toutes éditions confondues, une bien belle affaire...

Je vous propose une version en un volume. Merci de télécharger parallèlement les versions d'EbooksGratuits pour saluer leur travail.

Téléchargement Joyce James-Ulysse

Si vous souhaitez la version originale en langue anglaise, je ne saurais trop vous conseiller l'excellente version chez PlanetEbook.


Liseuses : 10 conseils pour bien acheter en 2022

LiseusesLongtemps que je n'avais pas fait de mise à jour de ce billet qui reste toujours l'un des plus lus sur le blog. Malgré la fréquence très ralentie de mes posts, mon intérêt pour les liseuses n'a pas faibli malgré les années. Elles m'accompagnent toujours beaucoup au quotidien dans mes lectures.

Je ne reviendrais pas trop sur le sempiternel débat liseuses/tablettes/smartphones. Il semble désormais derrière nous. Les lecteurs ont bien compris. Les liseuses et les tablettes sont maintenant présentes dans nos usages de lecture, bien que depuis quelques années les tablettes semblent en net recul, elles ne sont pas forcément pas renouvelées; des ordinateurs hybrides sont en pleine ascension. Et puis les inévitables smartphones pour beaucoup bien sûr, les couteaux-suisses avec les applications dédiées. Depuis plusieurs années les grandes enseignes les proposent les unes et les autres, chacun a pu les prendre en main et comprendre les différences.

Si vous êtes gros lecteur, vous comprendrez sans doute rapidement que ce sont les liseuses sans rétro-éclairage qui procurent toujours et de très loin le plus de confort de lecture en toutes circonstances, que ce soit mobilité, autonomie, plein air et confort/fatigue visuelle.

Si vous avez compris qu'une liseuse est bien la "machine à lire" qu'il vous faut, laquelle choisir?

L'offre est importante, pas moins de 16 modèles disponibles en France chez 4 acteurs différents. Tous renouvellent régulièrement leurs gammes: Amazon(4), Bookeen(2), Kobo(6) et Vivlio/ PocketBook(4).

10 thèmes repérés pour vous donner mon propre sentiment:

  • la marque: la technologie des liseuses est mature aujourd'hui, tous les modèles proposés par les quatre marques sont robustes et éprouvés. Chez tous, efforts de design, de matières, d'ergonomie. Les petits problèmes de qualité ont été gommés peu à peu avec les nouveaux modèles et les mises à jour des firmware. Chaque marque propose des modèles avec la dernière technologie d'encre électronique au meilleur contraste, eInk Carta. Seul Amazon propose un environnement fermé avec des livres achetés au seul format d'Amazon. Même si le support de l'ePub va bientôt arriver, il n'y aucune polyvalence chez Amazon, exit les libraires, je déconseille.
  • le prix: un argument important pour ceux qui ne lisent pas trop, moins si vous êtes gros lecteur, vous amortirez votre choix rapidement. La fourchette est large entre 99€ et près de 400€ pour de grands modèles avec des utilisations semi-professionnelles. A mon avis, au-delà d'une quinzaine de livres par an, l'amortissement d'une liseuse est bien réel. Ne pas hésiter à regarder autour de 200/250€, cela vaut la peine pour un appareil que vous garderez longtemps, vous verrez. Croyez-moi, on observe bien souvent que l'acquisition d'une liseuse provoque rapidement des lectures en plus; les vacances d'été sont souvent le moment idéal pour commencer.
  • la taille de l'écran: les modèles 5 pouces compacts ont été abandonnés, c'est bien dommage, ils reviendront peut-être, complémentaires de nos écrans de smartphones, qui sait. Les modèles 6 et 6.8 pouces sont désormais les standards du marché. Pour les personnes souhaitant une mise en page plus grande (équivalente à un livre de poche) et avec un usage un peu moins nomade, je conseille de regarder attentivement les modèles un peu plus grands, 7.8 et 8 pouces. Ils apportent un vrai confort de lecture en plus, vous verrez. Pour PDF et BD/mangas, pas forcément un argument, tant les liseuses se révèlent assez décevante pour l'un et l'autre (hormis les très grands modèles bien sûr). Les amateurs, optez pour tablettes. Les liseuses, des machines à lire des romans/ essais au format ePub, ne pas oublier, c'est l'essentiel.
  • attendre la couleur?: j'ai répondu dans l'item précédent. Si vous voulez la couleur, pour l'instant ce sont les smartphones, tablettes et ordinateurs, avec l'inconfort d'une lecture immersive dans la durée que l'on connait tous. Un seul modèle eInk couleur chez Vivlio/PocketBook, encore un peu juste au niveau des contrastes, allez l'essayer par curiosité. La technologie sera réellement mature dans quelques années encore, patience.
  • l'éclairage intégré: pas forcément indispensable mais il est présent maintenant partout en standard. Si vous souhaitez lire le soir dans votre lit sans lampe de chevet, forcément indispensable. Sinon, une fonctionnalité que vous n'utiliserez pas forcément beaucoup, vous verrez, hormis dans des conditions d'éclairage difficile. Quoi que l'on dise, lumière du jour et lumière artificielle se font concurrence plus qu'autre chose, vous aurez vite tendance à zapper la deuxième au seul profit de la première. Surtout avec des écrans tous désormais en eInk Carta à l'excellent contraste.
  • le catalogue et l'écosystème: voir le premier point. L'offre de livres numériques en France est la même partout, le prix est le même partout garanti par la loi. Si vous souhaitez absolument acheter directement sur votre appareil, tous le propose, Amazon, Kobo, Bookeen et Vivlio/PocketBook (avec Decitre et Cultura). Cependant, je vous conseille d'acheter depuis votre ordinateur pour gérer votre bibliothèque personnelle. Comme dans le cas de la gestion de votre musique en MP3, télécharger rapidement avec un cable usb, c'est très pratique, bien plus efficace pour gérer l'ensemble de sa bibliothèque et échanger des livres en famille ou avec des amis quand cela est possible sans DRM. 228 éditeurs en proposent à ce jour, la liste ici. Sachez les repérer. Si vous y êtes sensibles ainsi que sur l'utilisation de vos données personnelles, optez pour les modèles les plus génériques et ouverts, chez Bookeen et Vivlio/ PocketBook. Ils sont idéals pour vos achats chez des libraires.
    A signaler aussi, le prêt numérique en bibliothèque qui commence à se développer dans de nombreuses villes en France. Vous pourrez lire gratuitement sur toutes les liseuses, exception faite de celle d'Amazon toujours du fait de son propre format.
    Il y a aussi une excellente offre de livres gratuits du domaine public, c'est ici.
  • le wifi/3G: wifi sur tous les modèles bien sûr, pour mettre à jour, acheter, mais aussi pourquoi pas accéder à des clouds personnels (Dropbox, PCloud, etc.) pour récupérer ses livres dans sa bibliothèque et s'éviter les cartes SD. Avec l'accès par ses favoris, cela marche très bien. Seul Amazon propose un modèle 3G en France. Intéressant si vous êtes sans aucun accès wifi autour de vous. Bien cher, sans grand intérêt dans les autres cas.
  • l'aspect pratique: lire chez soi ou en mobilité? Un point très important à l'usage. Quand lisez-vous le plus, transports, chez vous, week-end, vacances pépère, vacances à crapahuter? En transport, la taille et la légèreté sont des éléments très importants surtout pour les hommes qui ne disposent pas de grands sacs à mains. Chez soi, on pourra tout à fait privilégier des grands formats. Tout à fait comme la pratique de livres en grands formats ou au format de poche. Ne pas hésitez non plus à investir dans une pochette qui les protègent bien en déplacement. Protégez-les, vous les garderez longtemps, longtemps.
  • les autres usages que la lecture: pour moi très secondaire. Même si beaucoup vous proposent un écosystème avec des contenus que vous pouvez récupérer sur le web, des fonctionnalités que vous oublierez vite. L'audio reste l'exception et reste présent chez des modèles haut de gamme. Mais nous avons déjà tout ce qu'il faut avec smartphone et oreillettes. A retenir que les liseuses sont des machines à lire.
  • les prendre en main: fondamental pour moi. A chacun de juger, légèreté, taille, prise en main, écran d'accueil, navigation générale; absolument indispensable tant ces appareils touchent à une pratique intime, la lecture, le rapport affectif avec ces machines est très important, vous verrez à l'usage au bout de quelques semaines. Si vous aimez votre liseuse, vous l'aurez adopté et lirez de plus en plus avec.

Indispensable, à lire absolument: "Acheter un livre numérique? Pas plus compliqué qu'acheter un morceau de musique", c'est par ici.

Vous pourrez bien entendu retrouver tous mes tests depuis 2009 sur 56 modèles différents. Vous y trouverez aussi des petits détails qui peuvent vous intéresser, les réglages typographiques entre autres, un élément important à mon sens.

Petit conseil personnel, achetez vos livres numériques chez vos libraires indépendants s'ils proposent une offre numérique. C'est aussi chez eux qu'il sera le moins fait usage de vos données personnelles, c'est important. Si vous découvrez des livres sur leurs tables, leurs sites ou leurs Facebook/Instagram et autres, achetez-leur les livres au format numérique, les prix sont les mêmes partout, juste retour des choses, non?

Pour finir, ma liseuse, depuis des années maintenant, est la PocketBook InkPad 3 (sous la marque Vivlio en France). Je l'apprécie beaucoup pour son grand format et sa polyvalence. Mais j'en ai aussi plein d'autres à la maison que je prend de temps en temps.

N'hésitez pas à me laisser vos commentaires. Bon choix et surtout bonnes lectures cet été !


Problèmes téléchargements DRM Adobe : version ADE 3.0 indispensable

AdeNouveaux problèmes avec la DRM Adobe. Au fil des mises à jour de ADE (Adobe Digital Edition), les bugs sont toujours récurrents aussi bien avec les navigateurs qu'avec les liseuses de toutes marques. C'est souvent une vraie plaie pour le SAV chez les professionnels. Impossible hier d'accéder à des livres numériques en prêts, rien à faire. J'avais fait la bêtise en début d'année de télécharger la dernière version ADE 4.5. Hier, impossible de retrouver la seule version stable 3.0 sur le site d'Adobe, les liens sont morts. Encore une filouterie d'Adobe, la vigilance est décidément de mise.

En attendant qu'Adobe se fasse sonner les cloches par les professionnels (payeurs rappelons-le), voici les deux liens pour télécharger cette version ancienne 3.0, mais qui reste absolument indispensable pour tous les amateurs de livres numériques chez les libraires indépendants, comme pour le prêt numérique en bibliothèque.

https://t.co/sH5H1QOGFQ pour la version Windows.

https://t.co/FrsXDIrFN6 pour la version Mac.

Merci à la Bibliothèque Numérique de Paris pour son aide.


Joël Dicker fait le choix du sans DRM pour ses livres numériques

L-Affaire-Alaska-SandersIntéressante initiative de la part de Joël Dicker, qui publie aujourd'hui son nouveau roman "L'Affaire Alaska Sanders" sans DRM avec un seul tatouage numérique, sur les plate-formes des acteurs indépendants. C'est à mon avis la première fois qu'un auteur de grands best-sellers se lance dans une telle initiative. Joël Dicker a créé sa propre maison d'édition Rosie & Wolfe, autant dire bien sûr qu'il a les coudées franches pour ce choix. La distribution numérique semble être le fait de son distributeur Editis, dont beaucoup d'éditeurs indépendants distribués sont déjà sans DRM.

C'est intéressant d'autant plus que ces best-sellers sont les premiers livres à être piratés très rapidement, souvent dans la journée même de publication. S'il y avait une crainte de la part des groupes il y a dix ans au démarrage du marché, c'est un secret de polichinelle aujourd'hui. Jamais une quelconque DRM n'a empêché cette diffusion illégale, elle n'a aucune espèce d'influence sur les ventes. Ces verrous ne font que renforcer l'hégémonie propriétaire des grandes groupes anglo-saxons. Plus vertueux un tatouage numérique discret sur le fichier, véritable marque de confiance entre l'éditeur et le lecteur. Ce lecteur qui peut disposer du fichier dans son entourage proche comme il le ferait avec un livre imprimé. Succès donc au nouveau livre de Joël Dicker chez les libraires indépendants, qui viendra peut-être écorner cette plaie des DRM et relancer un débat qui semble au point mort aujourd'hui.


8. La transition numérique à l'aune de Nikos Kazantzaki

Nikos-kazantzakiHuitième et dernier billet de cette chronique aujourd'hui. La lecture des livres de Nikos Kazantzaki m'aura accompagné ces deux derniers mois, pour parler aussi de la transition numérique du livre depuis dix ans. Il me reste quelques livres récemment parus aux Editions Cambourakis dont un inédit L'Ascension qui parait ce mois-ci (comment ne pas leur rendre hommage avec de magnifiques grands formats et poches), aussi Le Pauvre d'Assise, les volumes de récits de voyages et de théâtre, jamais réédités depuis plus de 30 ans. Immense écrivain, pour moi l'un des tout premiers du XXème siècle, bien oublié aujourd'hui dans notre pays. Allez voir, vous ne serez jamais déçu, sincèrement autre chose que Houellebecq vous pouvez me croire...

Nikos Kazantzaki est bien symptomatique du désœuvrement de l'édition littéraire française où des pans entiers de fonds d'éditeurs ne sont plus réédités (surtout en littérature étrangère d'ailleurs); le seul marché de l'occasion encore pour un temps en bouée de sauvetage, jusqu'à quand d'ailleurs entre la dégradation des livres et les spéculations au fur et à mesure à renfort de robots automatisés chez certains acteurs prédateurs... L'espoir du format numérique pour pérenniser des catalogues sera resté un vœu pieu. Entre le désherbage des imprimés et le numérique absent pour cause de modèle réellement satisfaisant, le constat est là aujourd'hui dans les bibliothèques. Pour Kazantzaki il faudra sans doute attendre 2028 et son entrée dans le domaine public pour voir une édition de ses œuvres complètes; mais pour tant d'autres.

Tous ces livres lus sous trois formats de manière à peu près égale à l'arrivée, entre grand format, poche et numérique. L'offre numérique aurait été plus présente, je l'aurais sans doute privilégié par rapport au poche. C'est bien la liberté du lecteur de choisir comment il souhaite accéder à un texte, neuf, occasion, bibliothèque, imprimé, grand format, poche, audio, numérique. J'ai trop vu toutes ces années un débat manichéen, binaire, que j'ai toujours jugé complètement stérile. Rajouter le format numérique n'a pas tué quoi que ce soit, il aura donc fallu attendre dix ans pour s'en rendre compte; les grands discours lyriques, enflammés, sur le thème de "sauver le livre" se sont révélés d'aimables âneries, enfouis désormais dans les limbes des bibliothèques et archives audio-visuelles.

Cette petite chronique m'aura permis d'explorer la situation aujourd'hui d'un livre numérique qui reste en jachère sur beaucoup de points que je peux synthétiser ainsi:

une offre commerciale des nouveautés qui, si elle est désormais bien ancrée, reste insatisfaisante sur la question des DRM et des prix élevés. Rien n'a bougé en dix ans. Les seuls acteurs GAFA restent les grands vainqueurs dans leurs environnements propriétaires respectifs. La mutualisation des libraires espérée n'a pas fonctionné, ces derniers jugeant sans doute que les priorités étaient ailleurs. C'est un peu la situation du poche que l'on revit, les libraires ont mis de nombreuses années avant de considérer ce format comme étant digne d'être accueilli sur leurs tables et leurs rayonnages. C'est du côté de l'offre couplée qu'il serait nécessaire d'avancer, avec de réelles opportunités pour les librairies indépendantes. Imprimé et numérique dans leur complémentarité mérite aujourd'hui d'être considéré.

— une offre en streaming qui, je pense, ne risque pas beaucoup d'évoluer sur la littérature générale. On sait bien que ce sont les nouveautés qui sont indispensables pour susciter le réel intérêt des lecteurs. Un acteur français Youboox racheté il y a quelques semaines par un groupe étranger, des opérateurs qui suivent de près, les acteurs GAFA eux-aussi à l'affut évidemment qui pourraient joindre l'offre à leurs abonnements respectifs. Bref, une situation qui écarterait encore plus les acteurs indépendants. On le voit dans la bande dessinée numérique.

— une offre en bibliothèque très insatisfaisante, c'est là je trouve que les déceptions sont les plus grandes. Les fonds Gallica et Relire restent complétement invisibles dans les bibliothèques. D'autre part, les modèles économiques ne conviennent pas pour les collectivités, impossible de constituer un fonds suffisant de livres numériques avec une masse critique suffisante pour les lecteurs. On le voit à l'échelle du Québec ou de la Belgique, le maître-mot reste la mutualisation de l'offre.

Je ne voudrais pas rester sur un constat trop négatif. Les lecteurs attendent des promos, se débrouillent comme ils peuvent, contournent les difficultés. Le format numérique avance malgré les barrières qu'on lui met, preuve de sa réelle nécessité aujourd'hui dans les usages de lecture (les mois de confinement à répétition ces dernières années l'on aussi montré). Dans un temps long qui est celui du livre, il aura finalement progressé très vite en dix ans, c'est paradoxalement bon nombre de professionnels qui ont du mal à suivre dans cette complémentarité évidente aujourd'hui.

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P.S. : A signaler, vous pourrez trouver tous les livres de Nikos Kazantzaki sur Library Genesis/ LibraryZ.

Kazan


7. La transition numérique à l'aune de Nikos Kazantzaki

CoverSeuls deux livres de Nikos Kazantzaki sont disponibles dans l'offre numérique légale, Ascèse et Le Jardin des rochers, tous les deux au travers du dispositif de numérisation des livres indisponibles Fenixx/Relire. Ces deux titres ont été publiés directement en français par l'auteur, sans traducteurs. Ils ont sans doute été autorisés par les ayant-droits de Kazantzaki. Les autres livres de l'auteur sont écartés du dispositif comme tous les auteurs étrangers. Au moment de les lire tous les deux, c'est l'occasion de revenir sur ce dispositif Relire tant décrié à sa sortie et mesurer la situation aujourd'hui.

Créé à partir de 2014, ce dispositif se proposait de numériser et proposer chez les revendeurs des livres parus avant le 1er janvier 2001 et qui n'étaient plus commercialisés chez les éditeurs. Les auteurs et ayant-droits pouvaient s'opposer à tout moment, les livres finalement retenus entrants dans le cadre d'une gestion collective. Porté par la BnF, la numérisation a concerné plus de 200.000 livres, qui sont aujourd'hui disponibles sur les plate-formes. Les numérisations ont été arrêtées, seule la maintenance continue: "Suite à la décision du Conseil d’État du 7 juin 2017 au sujet du dispositif de réédition électronique des œuvres indisponibles du XXe siècle, la BnF n’assure plus désormais que la maintenance du registre ReLIRE. Ce dernier signale l’ensemble des œuvres en gestion collective et permet notamment l’identification des œuvres faisant l’objet de licences d'exploitation délivrées par la Sofia." On a tellement craché sur ce dispositif (comme sur tant de dispositifs interprofessionnels d'ailleurs, sans jamais sourciller sur les GAFA, bizarre non?) que je n'y reviendrais pas ici, le dossier est clos.

Aujourd'hui, c'est le seul marché de l'occasion dérégulé qui permet de garder une trace de ces livres. Depuis 5 ans maintenant, celui-ci s'est considérablement fortifié avec l'arrivée d'acteurs "industriels" qui ont mis en place de nouvelles méthodes de massification, de spéculations inédites avec notamment des robots comparateurs de prix. Tous les acteurs historiques du livre d'occasion reconnaissent que la concurrence s'avère déloyale désormais sur les plate-formes, les excluant de facto du marché en ligne. Quand on rajoute le désherbage massif en bibliothèques de ces livres, il devient difficile de se les procurer, aussi bien en bibliothèque que sur les réseaux, ils sont bien souvent à des prix de plus en plus prohibitifs. Et la situation risque évidemment de ne pas s'améliorer dans les années à venir, quand vous rajouter également la faible qualité du papier pour quasiment la totalité d'entre eux. Le temps fait son œuvre...

Il est certain qu'à moyen terme (une décennie, deux?), l'accès va devenir très difficile, voire impossible pour nombre d'entre eux. Ils disparaitront sans doute complètement de notre patrimoine éditorial, à moins bien sûr que des éditeurs ne s'intéressent à certains. Mais combien, une petite dizaine par an? Le rapport est bien dérisoire. C'est bien peu à l'échelle de la production éditoriale de la fin de XXème siècle. C'est aussi un véritable désastre pour des catalogues entiers d'éditeurs qui ont disparus, la liste des défaillances est considérable du côté de l'édition indépendante, notamment littéraire.

À l'heure où l'on parle de réguler le marché du livre d'occasion, il est dommage qu'une véritable alternative comme celle-ci n'ai pas eu vocation à durer dans le temps. Pour preuve ces deux petites perles de Kazantzaki, auquel il convient de rajouter une excellente biographie "Nikos Kazantzaki, sa vie, son œuvre" de Colette Janiaud-Lust, parue chez François Maspéro en janvier 1970. Je vous invite à les découvrir chez vos libraires numériques...

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6. La transition numérique à l'aune de Nikos Kazantzaki

La-Derniere-TentationLes semaines passées j'ai beaucoup lu la version numérique plutôt que la version ancienne imprimée de mon dernier livre de Nikos Kazantzaki. La raison en est ma mobilité durant cette période de fêtes, mais aussi les caractères trop petits. Ce dernier élément qui ne saurait être négligé assurément, le format numérique permet ce confort-là pour beaucoup je pense, une raison de plus pour souhaiter l'offre couplée un jour, qui sait.

En ce début d'année je poursuis mes lectures des livres de Nikos Kazantzaki, le cinquième donc, avec La Dernière Tentation. Paru en 1954 avec le scandale qu'il a soulevé à l'époque, c'est ce livre qui aura sans doute à la fois assuré la renommée internationale de Kazantzaki mais aussi sa condamnation définitive pour le Prix Nobel de littérature. Après le format numérique, je reviens à l'édition de poche parue dans la collection Babel il y a quelques années.

Avec ce livre de Kazantzaki qui a engendré tant de débats passionnés à sa sortie, comme à la sortie en salle du film de Martin Scorsese dans les années 80, c'est aussi l'occasion de revenir dix ans après sur ces fameux "livres enrichis", "livres augmentés", une terminologie que l'on a vu apparaître avec l'essor de l'iPad à sa sortie en 2010. Que cela nous parait loin aujourd'hui... La Dernière Tentation aurait évidemment pu faire partie de ceux-là. "Enrichir", "augmenter" les livres avec des appareils critiques, des photos, des illustrations, des extraits vidéos ou sonores, c'était le frémissement de ce nouveau marché à l'époque qui n'était pas sans rappeler celui des CD-Rom de la fin du siècle dernier, un nouvel eldorado potentiel qui s'ouvrait aux éditeurs. On connait la fortune des CD-Rom qui ont été balayés il y a une vingtaine d'années par l'essor très large du web.

Dix après, le constat est cruel, la mayonnaise n'a pas pris. Pourquoi les livres enrichis n'ont-ils pas eu le succès escompté? Ce n'est pas du côté des supports qu'il faut chercher tant l'offre des tablettes a été florissante, au moins pendant quelques années. Apple, puis Google avec l'environnement Android, ont largement développé l'offre, dans la continuité de celle des smartphones. Quelques éditeurs et groupes se sont lancés à l'époque en pionniers, tant dans la littérature jeunesse, les beaux-livres que dans les documentaires illustrés. Mais à l'inverse d'un livre numérisé ou décliné homothétiquement, les frais de tels livres sont importants, avec des savoir-faire qui ne sont pas chez les éditeurs.

Deux formats sont rapidement entré en concurrence, celui des applications avec des développements qui permettaient beaucoup de chose, celui du format ePub dans sa version 3 naissante qui a été porté exclusivement par Apple à ses débuts. Le désintérêt de Google a été criant au fil des années, les éditeurs comptant évidemment sur ce marché important. Autre acteur important, Amazon, qui avec un essai malheureux du côté des smartphones et tablettes, a rapidement jeter l'éponge, en est resté à son seul Kindle. Autre désillusion, du côté des prix publics. Là où un CDRom à l'époque pouvait être vendu sur un support physique 30€ voire plus, les prix ont été tirés rapidement vers le bas pour ces nouveaux livres. Impossible de vendre plus de 10€ et encore je suis généreux, c'est plutôt 5/7€ qui était le prix cible sur les stores. Avec une TVA à 20% et une commission de 30% à Apple, je vous laisse imaginer la rentabilité pour les éditeurs. Si elle est possible pour des bases de données du côté de l'édition professionnelle, elle était impossible en littérature générale qui repose sur une offre aux titres. Quand en plus, il était impossible de proposer des vitrines un peu présentables sur ces mêmes stores et qu'il fallait faire un sav permanent du catalogue pour suivre les évolutions techniques, la messe était dite. Exit les livres enrichis.

C'est bien dommage car il y avait aussi des pistes à explorer du côté de textes enrichis complémentaires, tous ces textes que l'éditeur ne peut pas intégrer dans des versions imprimées. C'était la proposition évoquée par Robert Darnton dans son excellent livre Apologie du Livre, paru en 2012, que je vous conseille, il n'a pas vieilli.

Est-ce que la situation pourrait changer dans les années à venir? Je ne pense pas. De l'eau à coulé sous ponts, l'offre vidéo est pléthorique aujourd'hui aussi bien du côté du gratuit sur le web que de l'offre streamée payante. En plus les tablettes sont devenues un peu has-been, le renouvellement du matériel ne se fait plus, les pratiques ont évoluées du côté des smartphones. Là où le livre avait un rôle à jouer dans la complémentarité, c'est fini. Les réflexes sont pris maintenant, le livre enrichi pour les éditeurs de littérature générale est resté sur le quai, l'histoire ne repassera pas les plats. C'est du côté de l'éducation désormais que les regards se tournent pour la suite...

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5. La transition numérique à l'aune de Nikos Kazantzaki

ChristPoursuite de mes lectures de l'œuvre de Nikos Kazantzaki avec Le Christ recrucifié publié en 1954. Après le succès de Zorba, d'autres traductions de ses livres ont suivi en France avec succès, repris de nombreuses fois en poche au fil des années. Puis les éditions se sont arrêtés, allez donc comprendre. En remettant le nez dans des cartons récemment je me suis même rendu compte que ce Christ recrucifié figurait dans un polycopié de livres à lire, de mon professeur de français en classe de seconde. Onze titres de littérature étrangère seulement, je vous les donne: Constantin-Meyer, Un homme se penche sur son passé; Cronin, Les Clés du Royaume; Greene, La Puissance et la gloire; Hemingway, Pour qui sonne le glas; Kazantzaki, Le Christ recrucifié; Miller, Les Sorcières de Salem; Paton, Pleure ô payas bien-aimé; Remarque, A l'ouest rien de nouveau; Sienkiewicz, Quo vadis?; Steinbeck; Les Raisins de la colère; Wells, La Guerre des mondes. C'est dire si Kazantzaki entrait dans les classiques du XXème siècle à l'époque.

Lecture moitié en numérique (la version récupérée semble de qualité), moitié en imprimé avec une édition d'époque, les caractères très petits, équivalent à une Pléiade. Entre mobilité et mon domicile, observer au cours de sa lecture, ce qui change de lire en numérique. La perte des repères spatiaux certes mais ils s'effacent peu à peu, ils prennent moins d'importance, la concentration sur le texte seul, l'essentiel. Est-ce que leur perte est essentielle? Une écume, des petits apartés qui font appel à notre mémoire spatiale, sans trop grande conséquence je pense sincèrement, le bonheur du texte s'accroche à bien autre chose dans notre cerveau.

Confronter imprimé et numérique, c'est l'occasion de revenir sur une proposition au point mort depuis dix ans. Celle de pouvoir disposer d'une version numérique à petit prix quand on achète la version imprimée. Une proposition logique pour des lecteurs à la fois attachés à l'imprimé et souhaitant disposer d'une version numérique pour partir en vacances ou plus globalement dans les transports. Aussi l'occasion de ne pas abimer le livre imprimé, tout le monde aura fait l'expérience d'une édition grand format qui aura souffert de lectures nomades. L'occasion aussi de donner un vrai coup de pouce aux librairies physiques, tant le numérique est impossible à incarner dans l'espace physique. On se rappelle du naufrage des bornes, que cela parait loin derrière nous aujourd'hui.

En 2011 comme aujourd'hui, impossible de proposer cette offre couplée, la loi sur le prix unique ne le permet pas. Impossible de vendre la version numérique à un prix réduit si elle est liée à l'achat d'un autre livre. La seule solution serait que les éditeurs proposent dans leurs catalogues une autre version couplée (imprimée et numérique), un nouveau produit, un nouvel ISBN avec un autre prix. Bien lourd, bien difficile à mettre en place. J'en avais parlé à l'époque avec Hervé Gaymard, le député qui avait porté la loi sur le livre numérique. Il pensait que c'était l'adaptation suivante de la loi, accompagner au plus proche les évolutions technologiques et aussi porter le marché dans les librairies physiques. Depuis rien n'a bougé...

La gestion de l'offre couplée, c'est aussi le symptôme de l'échec complet des réflexions interprofessionnelles sur le sujet du numérique, le suivisme des grands acteurs GAFA, sans plus, le service minimum proposé par les éditeurs. Est-ce que l'offre couplée est définitivement condamnée? Il y a eu quelques adaptations pour les dictionnaires notamment, où la version numérique est proposée gratuitement avec l'imprimé, une suite logique du CD ou de la clé USB, mais ce sont des propositions très à la marge. Je pense que l'offre couplée est définitivement condamnée, elle ne sera jamais porté par les libraires indépendants, c'était eux qui étaient les plus à même de la revendiquer en complément d'un livre imprimé vendu, une possibilité supplémentaire de revenus associés. Peut-être reste-t-il un semblant d'ouverture possible avec le livre audio? J'en doute fortement.

Aujourd'hui nous commençons à entendre parler d'offres d'abonnement en streaming plus ou moins étendues, la fracture avec l'imprimé semble bien définitivement consommée. Imprimé et numérique, chacun de son côté, en être réduit quand on achète le livre imprimé de pirater son avatar numérique pour ne pas avoir à le racheter une deuxième fois au prix fort, avec toujours les mêmes restrictions d'usage évidemment...

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Le piratage du Houellebecq: la manipulation est certaine

AneantirDécidément l'excitation est vive sur le piratage du prochain Houellebecq Anéantir. La presse relaye largement ce matin via l'AFP, je suis cité d'ailleurs, Sud-Ouest, BFM, Capital, le Figaro, Ouest-France..

Un détail qui m'avait échappé dans mon précédent billet hier et qui évacue complètement les suspicions sur les journalistes qui ont reçu le livre imprimé vendredi dernier : l'ISBN est incomplet au début du fichier et le dépôt légal de novembre 2021 (alors que la mention dans l'imprimé définitif sera de janvier 2022) à la fin, prouvent bien qu'il s'agit assurément d'une version intermédiaire qui a fuité, sans doute en octobre, peut-être même avant. Fichier PDF ou sortie imprimante, peu important, la fuite est bien de longue date. Cette divulgation quelques jours après le service de presse est là pour noyer le poisson, plus grave elle discrédite les journalistes eux-mêmes. On revient à un scénario proche de celui de Soumission en 2014, sur des bonnes feuilles. Il y a sans doute encore des coquilles dans cette version, elle ne correspond sans doute pas au bon à tirer définitif du livre.

La communication du texte d'un tel livre-événement est extrêmement encadrée dans la chaine éditoriale, je connais parfaitement les rouages, l'ayant moi-même pratiqué à l'époque. Le compositeur a transmis le fichier au service de fabrication, via un serveur sécurisé. Aucune version imprimée sans doute à ce stade. Puis ce PDF a circulé de manière très sélective (pas de mail, sans doute un accès sur un serveur sécurisé en interne avec des authentifications restreintes), l'éditeur, la direction générale, le directeur juridique, le service de presse (et encore, pas sûr, la presse ayant été débranchée depuis le début), l'agent de Houellebecq et Houellebecq lui-même pour les corrections et le bon à tirer final. Les sorties imprimantes sont extrêmement contrôlées elles-aussi, à ce stade, vous le pensez bien, des versions non imprimables du fichier sans doute réalisées de manière sélective. Flammarion, à cette heure, sait parfaitement quelle version a réellement fuité et les personnes concernées. Il y a de toute façon une manipulation quelque part. J'espère que Flammarion publiera rapidement un communiqué pour lever le doute sur les journalistes qui ont reçu le livre vendredi dernier.

Il est très étonnant que l'on retombe une nouvelle fois comme par hasard sur Michel Houellebecq sept ans après et non pas sur Ken Fowlett, Marc Lévy, Guillaume Musso ou d'autres, Christine Angot chez le même éditeur Flammarion d'ailleurs. Impensable de penser à une stratégie quelconque chez Madrigal évidemment. En tout cas un joli buzz pour pas cher à quelques semaines de la parution. De quoi alimenter les conversations devant la buche des réveillons. Cette affaire n'est pas sans me rappeler la stratégie de Paulo Coelho à l'époque, sans doute au grand dam de son éditrice Anne Carrère. Vous relirez mes billets fin 2009 et 2012, une éternité... Alors, Michel Houellebecq l'égal de Paulo Coelho? On peut au moins se poser la question, surtout quand on connait l'art de la manipulation chez Houellebecq...

PS: Comment détecter une telle fuite? Assez simple finalement. Il aurait suffit à Flammarion de préparer 5 ou 6 fichiers différents chez le compositeur, avec une coquille soigneusement différente dans chaque version divulguée, parfaitement indétectable. Puis dépôt sur le serveur aux personnes concernées. Cela aurait-été un jeu d'enfant de repérer ensuite quelle version était en cause...

Une question aussi. Pourquoi le fichier est apparu trois jours après le service de presse du vendredi 17 décembre et non pas bien avant? Comment le "pirate" était-il au courant de ce service de presse? Un timing bien étrange...